JM Academy / Diversité des genres (II)
L’adaptation de la voix
Pour adapter la voix des personnes présentant une diversité de genre, deux options sont disponibles : la logopédie et la chirurgie.

Le moment du processus de transition auquel il convient de travailler sur la voix varie d'une personne à l'autre. « Pour certaines personnes, c'est juste avant la transition sociale (coming-out), tandis que pour d'autres c'est lorsque la transition sociale est déjà en cours », explique la Pre Evelien D'haeseleer, logopède au sein de l’équipe chargée des questions liées au genre à l'UZ Gent.
L'adaptation de la voix a fait l'objet d'une attention accrue au cours des dernières décennies. « À l'origine, cette adaptation était considérée comme la touche finale du processus de transition », relève le Pr Peter Tomassen, chirurgien de la voix au sein de l’équipe chargée des questions liées au genre à l'UZ Gent. « C'était la dernière intervention que l’on programmait. Entre-temps, c'est souvent devenu la première étape qui suit l'évaluation psychologique et le traitement hormonal. » Il est d'ailleurs possible qu'une personne (non binaire) ne veuille pas de traitement hormonal mais souhaite tout de même travailler sur sa voix. Étant donné le grand nombre de configurations qui se déploient dans le spectre de la diversité des genres, l’adaptation de la voix – tout comme le traitement endocrinien et la chirurgie génitale - est également taillée sur mesure.
Masculinisation
Sous l'effet de la testostérone, l'hypertrophie se produit principalement dans le muscle vocal qui se trouve dans les cordes vocales. Par conséquent, les cordes vocales deviennent plus lourdes et la tonalité de la voix baisse. Cette baisse se produit au bout de trois à quatre mois, avec quelques variations individuelles. Si après un an de traitement par testostérone, la voix n'a pas baissé ou pas suffisamment (ce qui arrive dans 20 % des cas), la personne est référée pour un traitement de la voix si elle le souhaite (*). « On peut apprendre aux personnes, par le biais de la logopédie, à parler avec un larynx plus bas, ou les entraîner à utiliser de préférence le registre grave de la voix », explique la Pre D'haeseleer. « Cela entraîne une baisse de la voix d'environ 20 Hz. La tessiture est conservée, mais elle est utilisée préférentiellement dans son segment grave. »
L'insuffisance de cet abaissement de la tonalité par le traitement hormonal n'est pas la seule indication de la logopédie. « On pensait autrefois que les hormones mâles, chez les hommes trans, abaissaient suffisamment la voix et qu'il n'était pas nécessaire de prendre d'autres mesures », explique la Pre D'haeseleer. « Mais la recherche nous a appris que la moitié des hommes trans se plaignent encore de leur voix après le traitement hormonal. Il peut s'agir d'enrouement, d'instabilité de la voix ou de difficultés dans son utilisation, comme le fait de ne pas pouvoir parler assez fort (mauvaise projection de la voix). Tout le monde ne consulte pas un logopède pour ce type de problème. Il est toutefois important que les hommes trans sachent que la logopédie peut apporter une solution efficace à ces plaintes. »
En outre, le traitement hormonal virilisant ne fait que baisser la tonalité et la tessiture de la voix. Cependant, la perception de la voix comme masculine ou féminine est déterminée par d'autres paramètres. Evelien D'haeseleer commente : « Outre la hauteur de la voix, la résonance est également importante, c'est-à-dire l'amplification du son vocal via la caisse de résonance formée par les cavités naturelles du corps, principalement la gorge et la bouche. La résonance détermine la couleur de la voix. La caisse de résonance peut être affectée par les mouvements de la langue et de la mâchoire. C'est pourquoi la technique utilisée est l'entraînement à l'articulation et à la résonance. Arrondir les lèvres, par exemple, donne à la voix un timbre plus terne et plus lourd. Un autre paramètre qui détermine le genre vocal est l'intonation : avec une intonation féminine, la hauteur monte et descend beaucoup plus qu'avec une intonation masculine. C'est la combinaison de la hauteur, de l'articulation, de la résonance et de l'intonation qui fait qu'une voix est masculine ou féminine. La hauteur ne détermine que 40 % du genre vocal. »
Si la personne - pour diverses raisons, lire ci-dessous - souhaite une intervention supplémentaire sur sa voix, la chirurgie est une option envisageable. L'intervention chirurgicale de référence pour l'abaissement de la voix est la thyroplastie de type III. Elle consiste à retirer une bande verticale du cartilage thyroïde des deux côtés du larynx, de sorte que la longueur antéro-postérieure du larynx diminue : la tension sur les cordes vocales diminue et la gamme de fréquences de la voix se déplace dans le registre cismasculin. L'intervention est réalisée par une incision au niveau du cou. La cicatrice se fait dans un pli de la peau et devient à peine visible avec le temps. La chirurgie endoscopique, moins invasive, consiste en une injection dans les cordes vocales pour les rendre plus graves.

Peter Tomassen précise : « La thyroplastie de type III donne de très bons résultats. La voix baisse de 50 Hz en moyenne. Nous constatons également une amélioration de la qualité de vie après l'opération. Idéalement, la logopédie encadre l'intervention car, comme la testostérone, la chirurgie ne fait qu'abaisser la fréquence vocale. Après l'opération, la logopédie peut être utilisée pour travailler l'articulation, la résonance et l'intonation. Dans la plupart des cas, l'effet souhaité par la personne prise en charge est obtenu en combinant la chirurgie et la logopédie. » Et le Pr Tomassen d’ajouter qu'il existe une crainte injustifiée à l'égard de la chirurgie de la voix, qu'il s'agisse de la technique masculinisante ou féminisante : « On disait autrefois qu'elle “détruisait” la voix. Ce n'est pas vrai. »
Étant donné le grand nombre de configurations qui se déploient dans le spectre de la diversité des genres, l’adaptation de la voix – tout comme le traitement endocrinien et la chirurgie génitale - est également taillée sur mesure.
Vers une voix féminine
Le traitement hormonal féminisant ne modifie pas la hauteur de la voix. Si une femme trans souhaite une voix plus aiguë, la première option possible est la logopédie. Là encore, les différents paramètres seront travaillés : hauteur de la voix (en parlant de préférence dans la partie la plus aiguë du registre vocal), articulation, résonance et intonation.
Plusieurs techniques chirurgicales sont disponibles pour la féminisation de la voix. La première est le rapprochement cricothyroïdien, qui nécessite une incision externe : le cartilage cricoïde et le cartilage thyroïde sont rapprochés et suturés l'un à l'autre (pexie). Cela imite en permanence l'action du muscle cricothyroïde, qui tend les cordes vocales. « Cette technique conserve sa valeur, mais doit souvent céder la place à la glottoplastie, qui est réalisée entièrement par voie transorale », indique le Pr Tomassen. « Dans la glottoplastie, les cordes vocales sont suturées dans leur partie antérieure. Par conséquent, la partie libre et vibrante des cordes vocales se raccourcit et vibre à une fréquence plus élevée, rendant le son de la voix plus aigu. Cette intervention ne laisse pas de cicatrice, ce qui est un facteur important pour de nombreuses personnes. En outre, l'effet sur la hauteur de la voix est meilleur qu'avec le rapprochement cricothyroïdien. Avec la glottoplastie, la voix augmente de 40 à 70 Hz. Pour beaucoup, en combinaison avec de la logopédie en pré- ou post-opératoire, cela donne un résultat satisfaisant.» Il existe quelques autres techniques chirurgicales pour féminiser la voix, comme la glottoplastie de réduction au laser, mais elles sont moins souvent pratiquées.
Peter Tomassen poursuit : « Comme avec la glottoplastie nous intervenons sur les cordes vocales, la technique a quelques effets indésirables. Il s'agit principalement d'un léger enrouement et d'une perte d'intensité de la voix, avec une baisse significative du volume maximum de la parole - ce qui est particulièrement important dans les environnements bruyants. Pour la plupart des gens, ces effets ne posent pas de problème, mais ils peuvent être gênants pour les orateurs professionnels. Ils peuvent constituer un critère de choix de la technique chirurgicale. Autre effet indésirable, la glottoplastie réduit la tessiture. Mais dans l'ensemble, on peut dire que pour la plupart des personnes, les avantages de la glottoplastie l'emportent sur les inconvénients. En général, les gens ont une bonne qualité de vie après une glottoplastie, bien que les résultats soient un peu moins prévisibles qu'avec la thyroplastie de type III utilisée chez les hommes trans. Parfois, après une glottoplastie, une reprise chirurgicale peut s'avérer nécessaire pour améliorer la voix. »
La conjonction de la logopédie et de la chirurgie
« Environ une personne sur cinq passe d'un traitement purement logopédique à une intervention chirurgicale pour adapter sa voix », rapporte Peter Tomassen. « Une raison évidente de passer à la chirurgie est le souhait d’avoir une voix soit encore plus aiguë, soit encore plus grave. Les personnes sont généralement satisfaites des résultats de la logopédie, mais certaines trouvent stressant de devoir constamment faire attention à la façon dont elles utilisent leur voix - bien que pour un certain nombre d’entre elles un automatisme se développe. La nécessité de contrôler constamment la voix détourne parfois l'attention du contenu de la conversation. Dans certaines circonstances comme la fatigue, le contrôle échoue chez un certain nombre de personnes. Avant de recourir à la logopédie ou la chirurgie, les avantages et les inconvénients de l’option thérapeutique sont toujours soigneusement discutés avec la personne concernée. »
« Même après l'intervention, les résultats sont examinés de près avec elle », conclut Evelien D'haeseleer. « La question se pose de savoir comment elle perçoit sa voix et comment les autres la perçoivent. En particulier au téléphone, il arrive qu'une voix soit mal identifiée. Pour certaines des personnes que nous aidons, ce n'est pas un problème, mais ce l’est réellement pour d’autres. Certaines personnes transgenres évitent les situations de prise de parole par crainte d'être mal identifiées. En tant que logopèdes, nous leur apprenons à gérer la peur de parler. Outre l’adaptation de la voix, l’accompagnement émotionnel fait partie de notre mission. Il s'agit d'un concept assez récent dans le domaine de la formation vocale. »
(*) Il est recommandé aux chanteurs et autres professionnels de la voix d'être accompagnés par un logopède dès le début du traitement hormonal afin de suivre les changements et d'obtenir des conseils lors d'une représentation, par exemple.
Objectifs d’apprentissage
La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec :
· La place modifiée de l'adaptation de la voix dans le processus de transition ;
· L'effet du traitement par testostérone ou par des hormones féminines sur la voix ;
· Le rôle de la logopédie dans l’adaptation de la voix et les paramètres d'intervention ;
· Le rôle de la chirurgie dans l’adaptation de la voix et les techniques chirurgicales utilisées ;
· L’accompagnement émotionnel des personnes qui font adapter leur voix.