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TDAH
Le TDAH ne disparaît pas nécessairement avec l’adolescence.

Psychostimulants : la pénurie qui déstabilise la prise en charge du TDAH

Plusieurs conditionnements de spécialités à base de méthylphénidate sont en rupture d’approvisionnement depuis plusieurs semaines. Cette pénurie, qui fait écho à des tensions similaires en France et au Royaume-Uni, fragilise la continuité des soins pour des milliers de patients atteints de TDAH. Le Dr Pierre Oswald, chef de service de psychiatrie à l’Hôpital universitaire de Bruxelles, alerte sur l’absence de cadre national pour gérer la crise, et sur l’urgente nécessité d’une reconnaissance pleine du TDAH adulte.

Depuis le printemps, les médecins sont confrontés à une rupture d’approvisionnement sur plusieurs spécialités de méthylphénidate, molécule centrale dans la prise en charge du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Le site PharmaStatut.be, mis à jour par l’AFMPS, confirme l’indisponibilité temporaire de plusieurs dosages et conditionnements de spécialités . « Pour la majorité d’entre eux, la date de fin présumée de l’indisponibilité se situe entre mi-juillet et mi-août  », indique Hugues Malonne, CEO de l’AFMPS. Les raisons évoquées sont multiples : retards dans la production, blocages dans la libération des produits finis, augmentation de la demande. L’agence assure « suivre de près la situation » et propose deux pistes : soit une substitution par un conditionnement équivalent, soit une adaptation de traitement à une autre spécialité de méthylphénidate.

Mais pour les prescripteurs, cette flexibilité est toute théorique. « Les différences de cinétique entre formulations rendent les substitutions complexes, et peuvent aggraver les effets secondaires ou réduire l’efficacité », explique le Pr Pierre Oswald, directeur du service de psychiatrie à l’Hôpital universitaire de Bruxelles. Les patients TDAH sont souvent stabilisés après plusieurs mois d’ajustement fin. Une substitution impose un changement de formulation, un recalcul posologique, un suivi rapproché. Cela ne se fait pas sans risque.

« Chez les enfants, l’interruption de ces traitements entraîne une recrudescence des symptômes : inattention, impulsivité et hyperactivité. Cela perturbe leur scolarité, leurs relations sociales et leur estime de soi, avec des risques accrus de décrochage scolaire et de stigmatisation », rappelle le Pr Oswald. « Pour les adultes, ces ruptures provoquent des difficultés professionnelles, des troubles émotionnels et une altération significative de la qualité de vie. »

Une adaptation forcée, sans cadre

La pénurie actuelle de méthylphénidate en Belgique ne constitue pas un événement isolé. Dès 2023, des tensions d’approvisionnement avaient été signalées dans plusieurs régions du pays. La situation s’est accentuée depuis, touchant désormais aussi bien les spécialités à libération prolongée que les formulations immédiates, avec un impact croissant sur la continuité des soins. Ce phénomène n’est pas propre à la Belgique. En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a officiellement reconnu en novembre 2024 une pénurie majeure d'une spécialité dans tous ses dosages, en lien avec « des difficultés de production et de libération des lots ». L’ANSM a même diffusé une note de recommandation pour encadrer les substitutions, soulignant les différences de pharmacocinétique entre spécialités. Au Royaume-Uni, le NHS a publié une alerte similaire à l’automne 2024.

Contrairement à la France, la Belgique ne propose pas à ce jour de recommandations cliniques nationales pour guider les substitutions. L’AFMPS propose, comme expliqué plus haut, deux alternatives : utiliser un conditionnement disponible ou modifier la spécialité. Mais, comme le reconnaît Hugues Malonne lui-même, « les substitutions ne sont pas idéales ». La diversité des formulations – libération immédiate, prolongée, mixte – rend tout remplacement délicat.

Adultes TDAH : une double peine en Belgique

La pénurie actuelle de méthylphénidate touche indistinctement enfants et adultes, mais son impact est particulièrement lourd chez ces derniers. Contrairement à la France, aux Pays-Bas ou à l’Allemagne, la Belgique ne prévoit aucun remboursement de cette molécule pour le traitement du TDAH adulte. Ce cadre restrictif, ancien, devient encore plus problématique en période de rupture d’approvisionnement.

Le trouble, pourtant, ne disparaît pas avec l’adolescence. Selon la Haute autorité de Santé française, entre 50 et 65 % des enfants présentant un TDAH conservent des symptômes à l’âge adulte, avec des conséquences cliniques et fonctionnelles parfois majeures [1]. Ces formes adultes, souvent moins visibles, n’en sont pas moins invalidantes : fatigue cognitive, désorganisation, instabilité professionnelle ou relationnelle.

Dans ces conditions, la stabilité thérapeutique est cruciale. Or, les patients adultes doivent déjà faire face, en temps normal, à des coûts importants – et pour rappel non remboursés – qui oscillent entre deux à quatre fois le montant déboursé par un patient français par exemple. Avec la pénurie, ces tensions s’accentuent encore. Les boîtes sont indisponibles dans de nombreuses officines, certaines alternatives sont inadaptées, et d’autres trop onéreuses.

Pour les médecins, cette situation constitue, in fine, un casse-tête quotidien. « Très concrètement, ces pénuries alourdissent nos journées (multiples coups de fil à la recherche de solutions), stressent tout le monde et bloquent toute initiative de changement fonctionnel chez nos patients », exprime Pierre Oswald. Et de conclure : « À quand l'obligation d'assurer la disponibilité de ces produits? »

[1] Haute autorité de Santé, TDAH de l’adulte : document de cadrage pour l’élaboration de la recommandation de bonne pratique, novembre 2021.

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Écrit par Laurent Zanella2 juin 2025
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