En France, des abus en matière d'aides à l'installation en zone rurale
Dans une enquête publiée en novembre dernier, Le Figaro dresse un constat alarmant sur l’inefficacité - et parfois les dérives - des aides financières mobilisées en France pour attirer des médecins dans les zones rurales en pénurie. Malgré des incitants parfois très généreux, les collectivités locales se heurtent à des résultats décevants, voire à de véritables abus.

Chez nos voisins français, la pénurie de médecins frappe les zones rurales avant autant de force qu'en Wallonie. De nombreuses communes françaises ont donc investi des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros pour séduire des généralistes. Cabinets entièrement équipés, logements gratuits, aides à l’installation, campagnes de communication, recours à des cabinets de recrutement : la panoplie est vaste. Mais dans bien des cas, ces efforts se sont soldés par des départs prématurés, des installations de très courte durée ou des comportements opportunistes de la part de certains praticiens.
« Marché déraisonnable »
Dans un article paru en novembre, Le Figaro évoque la situation de Bénévent-l’Abbaye, en Creuse, une commune de 800 habitants dont la mairie a déboursé quelque 130.000 euros pour attirer un médecin… qui n’est resté que peu de temps. D’après le quotidien, l’homme avait déjà répété ce type d’aller-retour à plusieurs reprises dans différentes régions françaises. D’autres exemples similaires sont évoqués, laissant entrevoir l’existence d’un « marché déraisonnable », où certaines collectivités se concurrencent, et où certains médecins enchaînent les installations temporaires pour bénéficier des aides sans véritable ancrage local durable.
Selon la Cour des comptes française, le coût cumulé des aides locales est estimé à 150 millions d’euros, auxquels s’ajoutent les dispositifs nationaux comme les exonérations fiscales dans les zones dites « France ruralités revitalisation » (FRR). Là encore, Le Figaro évoque des pratiques d’optimisation : certains praticiens quitteraient une zone FRR au terme de la période d’exonération pour en rejoindre une autre, sans jamais s’implanter durablement.
Des élus locaux, interrogés par le journal, soulignent le manque de contrôle autour des cabinets de recrutement privés, coûteux et peu encadrés, utilisés par les collectivités pour attirer les généralistes. Une pratique qui pose la question de la concurrence entre communes. Les communes les plus riches seraient avantagées dans cette course aux professionnels de santé, au détriment des zones les plus fragiles.
L’enquête souligne enfin les critiques formulées par des médecins eux-mêmes, qui jugent ces incitants financiers peu efficaces. Pour beaucoup, le choix d’un territoire d’installation dépend davantage d’une dynamique locale, de perspectives pour le conjoint ou les enfants, ou de liens personnels ou universitaires avec la région concernée.