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JM Academy / Diversité des genres (II)

La chirurgie féminisante

La chirurgie féminisante de confirmation du genre peut intervenir à trois niveaux : le visage, le thorax et les organes génitaux. Différentes configurations sont envisageables, en fonction des souhaits de la personne.

Pr Buncamper
Le Pr Marlon Buncamper, chirurgien plasticien et membre de l’équipe responsable des questions liées au genre à l’UZ Gent. © JDB

La féminisation du visage peut impliquer de nombreux ajustements d’ordre esthétique. Par exemple, au niveau capillaire, l’abaissement de la ligne frontale et un comblement de l’éventuelle calvitie temporale, la correction du relief du front (les femmes ont un front plus rond que les hommes), l’aplatissement des arcades sourcilières ou le rétrécissement de la ligne de la mâchoire.

D'autres ajustements concernent les tissus mous, comme un lifting du visage et/ou des sourcils, ainsi qu’un remodelage du nez. « Le nez féminin a des dimensions différentes de celles du nez masculin », explique le Pr Marlon Buncamper, chirurgien plasticien et membre de l’équipe responsable des questions liées au genre à l’UZ Gent. « Le nez est souvent plus défini et plus étroit chez les femmes. Un petit nez retroussé est généralement perçu comme plus féminin. »  La pomme d'Adam constitue un autre problème : une partie du cartilage peut être enlevée pour la rendre moins proéminente.

« La féminisation du visage est une question assez complexe », explique Marlon Buncamper, « et c’est pourquoi elle est réalisée en collaboration avec des chirurgiens maxillo-faciaux, qui se chargent des modifications de la partie osseuse. Le chirurgien plasticien, pour sa part, intervient sur les tissus mous. » Comme le traitement hormonal féminisant peut déjà avoir un effet considérable sur la morphologie du visage (modification de la répartition des graisses, peau plus douce), on ne recourt à la chirurgie faciale qu’après un an de traitement hormonal.

Pour la même raison, l'augmentation mammaire n'est généralement pas pratiquée avant la prise d’hormones féminisantes pendant au moins un an. En général, le résultat qu’on peut espérer du traitement hormonal est maximal après 12 à 18 mois. L'augmentation mammaire est réalisée avec du tissu adipeux de la personne,  des prothèses  ou une combinaison des deux.

La vaginoplastie par inversion pénienne

Certaines femmes trans souhaitent la réalisation d’une orchidectomie dans le seul but d’arrêter la prise  d'antiandrogènes, qui peut être associée à diverses plaintes (libido, problèmes psychologiques, etc.).

La vaginoplastie consiste à construire un néovagin à partir du pénis. La technique la plus courante est l'inversion pénienne, qui utilise la peau du pénis pour créer une paroi vaginale.

La première étape consiste dans l’orchidectomie, lorsqu’elle n’a pas encore été réalisée à ce stade. On utilise la partie la plus sensible du pénis (le bord du gland), en laissant le prépuce attaché à ce segment. Une cavité d'environ 13 à 15 cm de profondeur est ensuite créée entre le rectum et l’urètre pelvien, ventralement jusqu'au fascia rectoprostatique (fascia de Denonvilliers) et crânialement jusqu'au cul-de-sac de Douglas. La peau du pénis (néovagin) y sera insérée, tandis que la prostate est conservée dans sa position anatomique. De petits morceaux du muscle releveur de l’anus, du muscle pubo-rectal et du muscle ischio-caverneux seront ôtés, de manière à libérer suffisamment d’espace dans le plancher pelvien.

L'urètre est raccourci, tout comme le corps spongieux qui l'entoure. Les corps caverneux sont également enlevés jusqu'au pubis. Un clitoris est construit à partir d'une partie du gland et du prépuce. L'innervation et la vascularisation du clitoris proviennent respectivement du nerf dorsal du pénis et de son artère dorsale, qui ont été désinsérés. La peau du pénis est ensuite tournée vers l'intérieur (inversée) dans l'espace prévu à cette fin. La partie restante du prépuce est utilisée pour créer les petites lèvres. Quant aux grandes lèvres, elles seront construites avec la peau du scrotum.

En phase postopératoire, en plus d'une sonde vésicale, un stent est inséré dans le néovagin. Après cinq jours, le chirurgien vérifie si tous les tissus se sont correctement développés. La femme reçoit un kit contenant des dilatateurs de différentes tailles qu'elle peut emporter chez elle et avec lesquels elle devra dilater son vagin pendant le reste de sa vie. Au début, la dilatation doit être pratiquée trois fois par jour, avant de voir sa fréquence diminuer en fonction de son efficacité. Les personnes ayant des rapports sexuels coïtaux peuvent en principe utiliser un peu moins souvent leur dilatateur, car le coït exerce lui-même un tel effet. « C’est à la femme de sentir elle-même à quelle fréquence une dilatation est nécessaire », explique Marlon Buncamper. « Si elle saute un jour et que la dilatation est ensuite plus difficile, elle doit en conclure qu’il faut la pratiquer quotidiennement. Chez certaines personnes, la dilatation se déroule sans problème, même lorsqu’elle n’est pratiquée que tous les deux ou trois jours. En tout cas, quelle que soit sa fréquence, elle devra être réalisée à vie. »

Le périnée et la peau du pénis (y compris sa base) devront être épilés avant l’intervention, à cause de l’inversion cutanée prévue pour réaliser un néovagin. Il arrive que des poils continuent à pousser dans le vagin malgré une épilation soigneuse, ce qui peut entraîner de mauvaises odeurs voire des infections. Une deuxième épilation au laser pourra être réalisée si la pilosité ne concerne qu'une petite zone visible du vagin. Dans le cas contraire, la personne devra être traitée régulièrement avec une crème dépilatoire.

Lorsque la peau manque

Certaines personnes manquent de peau pénienne, par exemple après une circoncision ou parce que le pénis est resté petit en raison de l'utilisation d'hormones dès le début de la puberté. Dans ce cas, la peau du pénis utilisée pour la construction du vagin est complétée par celle d’une autre région corporelle, sous la forme d'une greffe de pleine épaisseur (GPE). « En général, la peau scrotale suffit », explique le Pr Buncamper, « mais il nous arrive d’utiliser de la peau prélevée au niveau du bas-ventre. Le morceau de peau supplémentaire est relié à l'extrémité distale de la tige vaginale qui a été formée avec la peau du pénis. » Et d’ajouter qu’une profondeur vaginale de 13 à 15 cm est plus que suffisante pour le coït. « Une femme cis a généralement une profondeur vaginale de 9 cm. Elle peut s’étendre jusqu'à 12 cm pendant l'excitation sexuelle, mais un vagin construit n’a pas cette plasticité ».

Certaines personnes manquent de peau pénienne, par exemple après une circoncision ou parce que le pénis est resté petit en raison de l'utilisation d'hormones dès le début de la puberté.

Chez certaines personnes ayant reçu des hormones très tôt dans leur vie, la peau du pénis est si peu disponible que la meilleure solution consiste à construire le vagin à l'aide d'une inversion pénienne complétée par un morceau d'intestin prélevé par laparoscopie. « Dans notre centre, nous utilisons des morceaux de gros intestin, en collaboration avec des chirurgiens digestifs », précise Marlon Buncamper. « Dans d'autres centres, l'intervention est réalisée en collaboration avec des urologues, qui ont plutôt l'habitude d'utiliser un segment d'intestin grêle. »

La vaginoplastie avec de la peau ou de l'intestin peut également être indiquée en seconde intention, chez des personnes qui ont déjà subi une inversion pénienne mais qui n'ont pas dilaté leur vagin ou ne l'ont pas fait de manière adéquate, ce qui a entraîné une sténose vaginale. Cette dernière doit alors être corrigée à l'aide de tissus supplémentaires.

La fonction sexuelle

99 % des personnes sexuellement actives peuvent avoir des orgasmes après inversion pénienne. Comme les organes du petit bassin jouent un rôle dans l'orgasme, la personne doit s'habituer à une nouvelle sensation après l'inversion. Chez l’homme cis, par exemple, l'orgasme s'accompagne de contractions du muscle bulbo-spongieux, qui est situé à la base du pénis. Ce muscle n’existe plus après l'inversion pénienne. « Il faut tenir compte de la possibilité que les personnes nées hommes et ayant pris des hormones féminisantes, aient de toute façon moins de libido et d'érections. Le fonctionnement sexuel était donc déjà modifié avant l'intervention, de sorte que la personne est déjà préparée à ce changement. » Ajoutons encore que, comme il n’existe pas de lubrification naturelle du néovagin, la majorité des personnes qui ont bénéficié d’une inversion pénienne utilisent des lubrifiants.

« En ce qui concerne l'accompagnement psychologique, toutes les personnes qui consultent en vue d’une chirurgie d'affirmation du genre bénéficient d'une séance d'information sur la méthode et les effets de l'intervention », précise Marlon Buncamper. « Cette séance est suivie d'un entretien avec un psychologue ou un sexologue pour vérifier si les informations recueillies correspondent bien aux attentes du patient. Ensuite, un nouveau rendez-vous individuel est fixé à la polyclinique pour rediscuter de la procédure. Il arrive que la personne ait déjà bénéficié d’un ou plusieurs traitements féminisants (hormones d'affirmation du genre, féminisation du visage ou augmentation mammaire), mais qu'après cette information et une nouvelle concertation elle décide de ne pas recourir à la chirurgie génitale, que ce soit en raison des risques ou pour préserver son expérience sexuelle. »

« L'équipe prévoit en phase postopératoire un accompagnement psychologique pendant un certain temps. Si nécessaire, un psychologue ou un sexologue peut poursuivre ce suivi en ambulatoire,  après la fin du parcours de soins avec notre équipe. »

Objectifs d’apprentissage

La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec :

·       Les aspects de la chirurgie faciale féminisante et de l'augmentation mammaire ;

·       Le désir de certaines femmes de limiter la chirurgie de confirmation du sexe à l'orchidectomie ;

·       La technique de l'inversion du pénis ;

·       La nécessité de dilater le néovagin à vie après l'inversion du pénis ;

·       Les mesures chirurgicales supplémentaires pour les personnes qui n’ont pas suffisamment de peau au niveau du pénis pour l'inversion du pénis ;

·       Le fonctionnement sexuel après l'inversion du pénis ;

·       L’information et l’accompagnement psychologique des personnes se préparant à une chirurgie d'affirmation du genre.

 

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Écrit par Dre Michèle Langendries

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