JM Academy / Diversité des genres (II)
La fertilité
Chez les personnes qui se préparent à un traitement d'affirmation de genre, la question du désir d’enfant est abordée à un stade précoce.

Lorsqu'une personne se présente avec une dysphorie de genre, la première étape consiste à explorer en détail la demande de soins chez le psychologue. Une fois que cette exploration est terminée et que l'équipe chargée de la question du genre conclut que la personne peut bénéficier d'un traitement d'affirmation de genre, l'étape suivante consiste à discuter de la préservation de la fertilité en vue d'un éventuel désir d'enfant.
Le traitement hormonal d'affirmation de genre des femmes trans réduit considérablement le nombre de spermatozoïdes dans le sperme, et ces derniers sont souvent de mauvaise qualité. De même, l'administration de testostérone chez les hommes trans a un effet négatif sur la qualité des ovocytes.
Le spécialiste de la fertilité vérifiera si la personne souhaite que ses gamètes soient congelés. Le prélèvement des gamètes est effectué de préférence avant le début du traitement hormonal d’affirmation de genre. Si le traitement hormonal a déjà été initié, il doit être interrompu pendant trois à six mois pour permettre aux gamètes de se rétablir avant le prélèvement (voir également ci-dessous). « La qualité du tissu prélevé est aussi bonne après l'interruption du traitement hormonal que lorsque le prélèvement est effectué avant son début. Cependant, d’un point de vue psychologique, cette interruption est très difficile à vivre pour la personne », explique la Dre Chloë De Roo, gynécologue au sein de l’équipe chargée des questions liées au genre à l’UZ Gent.
La collecte des gamètes
Chez les personnes nées de sexe masculin qui souhaitent conserver leurs gamètes, les spermatozoïdes sont récoltés par masturbation. Chez les personnes nées de sexe féminin, on réalise de préférence une ponction d’ovocytes. Le prélèvement de tissu ovarien n'est pas l'option préférentielle, car ce tissu ne peut actuellement être utilisé que pour la transplantation, ce qui correspond à la restauration du sexe initial de la personne. Il n'y a pas de cas connu dans la littérature d'hommes trans chez qui une transplantation ovarienne a été réalisée.
Les ovocytes sont recueillis par voie transvaginale après un traitement de stimulation de deux semaines. Cette intervention se fait sous échographie transvaginale. « L'insertion d'une sonde vaginale peut être perçue de manière conflictuelle par l’homme trans », souligne la Dre De Roo. « D'après mon expérience de médecin, on peut les aider à surmonter cette épreuve par un dialogue approprié. Je procède toujours à une échographie transvaginale avant le début du traitement de stimulation afin que la patiente sache à quoi s'attendre. En tant que médecin, il faut prendre du temps pour ces personnes et les entourer des soins nécessaires. Par ailleurs, il faut aussi savoir que la masturbation pour recueillir du sperme peut être un moment difficile pour une femme trans. Nous travaillons avec des sages-femmes qui sont spécifiquement formées à la préservation de la fertilité et qui peuvent donc nous aider à accompagner les personnes souffrant de dysphorie de genre au centre de PMA. »
En ce qui concerne les enfants ou adolescents prépubères souffrant de dysphorie de genre, il n'existe pas de données au sujet de l'influence des inhibiteurs de la puberté sur l'évolution des gamètes. Toutes les méthodes de préservation de la fertilité à la prépuberté sont actuellement expérimentales ou en cours de développement. Les seules méthodes qui peuvent techniquement être pratiquées chez les adolescents prépubères sont la cryoconservation de tissu ovarien ou testiculaire. « Pour l’instant, ces patients ne sont pas adressés à notre centre », précise Chloë De Roo.
Les hommes trans qui entament une grossesse sont confrontés à un certain nombre de situations difficiles parce que la grossesse, dans notre société, est encore perçue comme un événement spécifiquement féminin.
La contraception et le désir d’enfant
Bien que le traitement hormonal d'affirmation de genre affecte la qualité des gamètes, on ne peut pas en déduire que les personnes traitées ne sont pas fertiles. Cela vaut tant pour les hommes trans que pour les femmes trans. Il existe plusieurs cas de personnes transgenres qui sont tombées enceintes sans l'avoir souhaité. La contraception devrait donc être recommandée aux personnes transgenres sexuellement actives qui n'ont pas subi de chirurgie génitale. La Dre De Roo poursuit : « Il ne faut pas négliger ce point. La plupart de nos patients sont des jeunes qui ne savent pas encore s'ils veulent des enfants et qui, dans certains cas, n'ont pas encore de partenaire (fixe). La prise en charge de la fertilité est un tout, dont la contraception fait partie. » Si des personnes transgenres se rendent au centre de PMA avec un désir réel d'avoir des enfants, les gamètes congelés peuvent être utilisés ou pas, en fonction de leur composition corporelle et de leurs souhaits. Si les gamètes de l'un (ou des deux) partenaire(s) ne sont pas disponibles, un (ou deux) donneur(s) peuvent être choisis, éventuellement avec l'intervention d'une mère porteuse.
« Depuis que la chirurgie génitale n'est plus une condition légale pour un changement de sexe administratif, nous voyons de plus en plus de personnes à la consultation de fertilité qui ne passent pas par toutes les étapes disponibles du traitement d'affirmation de genre », note la Dre De Roo. « La population que nous traitons est donc très hétérogène. Depuis environ deux ans, des hommes trans qui n'ont pas subi de chirurgie génitale et qui souhaitent une grossesse viennent à notre consultation. Nous avons déjà eu deux grossesses de ce type ici à l'UZ Gent. Il s'agissait à chaque fois d'un homme trans qui vivait avec un homme. Comme il y avait un désir d'enfant au sein de leur couple, ces hommes trans avaient repoussé l'opération génitale. Ils ont arrêté leur traitement à la testostérone et ont eu une grossesse spontanée. Idéalement, une contraception devrait être utilisée pendant les six premiers mois suivant l'arrêt du traitement, afin que les ovocytes récupèrent. Nous savons en effet que la testostérone est un inhibiteur de l'apoptose. Nous voulons donc éviter que certains ovocytes moins sains persistent parce qu'ils ne sont pas éliminés par apoptose. La gamétogenèse - du développement du follicule primordial à l'ovulation - dure trois mois. Avec un délai de six mois, nous prenons une marge confortable. Certains hommes trans ne sont pas à l'aise avec l'idée d’arrêter leur traitement hormonal d'affirmation de genre et s'abstiennent donc de toute grossesse. Les hommes trans qui sont tout de même partants sont tous très compliants vis-à-vis de l'arrêt du traitement. Ajoutons enfin que notre expérience et la littérature nous apprennent que les enfants nés de cette façon sont en bonne santé. Il est toutefois important de ne pas utiliser de testostérone pendant toute la durée de la grossesse. »
Les hommes trans qui entament une grossesse sont confrontés à un certain nombre de situations difficiles. Dans notre société, la grossesse est considérée comme un événement spécifiquement féminin. Il n’existe par exemple pas de vêtements de maternité pour hommes. Les hommes trans qui se préparent à une grossesse sont donc suivis par les psychologues de l'équipe chargée des questions liées au genre, y compris pendant la grossesse (lire également l'encadré « Le vécu de la maternité et de la grossesse chez les hommes trans »).
Après l'accouchement, l'allaitement par un homme trans est également possible mais, là encore, il faut suspendre le traitement à la testostérone. En anglais, chestfeeding est le terme neutre en termes de genre pour désigner l'allaitement.
« Les hommes trans qui souhaitent avoir un enfant constituent actuellement un groupe très restreint. Mais avec la suppression de la chirurgie génitale comme condition nécessaire au changement de sexe administratif, je pense que cette situation sera de plus en plus fréquente », conclut la gynécologue gantoise. Il n'existe actuellement aucune possibilité de grossesse pour les femmes trans. La transplantation d'utérus chez les femmes cis est encore à un stade expérimental.
Le vécu du désir d’enfant et d’une grossesse chez les hommes trans
Une étude récente menée par un groupe de recherche néerlandais a recueilli les témoignages de sept hommes trans ayant entamé une grossesse. Les obstacles psychologiques et sociaux qu’ils rencontrent concernent toutes les étapes, depuis l'expression du désir d'avoir un enfant jusqu'aux soins postnatals.
Dans l'ensemble, les participants se sont sentis soutenus par leur entourage, mais ils ont été parfois confrontés à des réactions étranges de la part de personnes qui estimaient que la perception d'un sexe masculin était incompatible avec la grossesse parce qu'il s'agissait d'une affaire de femmes. Un participant a déclaré : « J'ai très vite compris que le désir d'enfant n'est pas spécifiquement féminin ou masculin. [...] Et pour moi, il était naturel que je vive cette grossesse moi-même. Faire appel à une mère porteuse ne m'attirait pas, car je pense que l'on développe un lien fort avec son enfant pendant la grossesse. »
Midwifery. 2023 May:120:103620.
Objectifs d’apprentissage
La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec :
· L'effet du traitement d'affirmation de genre sur la qualité des gamètes ;
· L'intérêt de prélever des gamètes avant le début du traitement d'affirmation de sexe ;
· Les techniques utilisées pour le prélèvement des gamètes ;
· La nécessité d'aborder la question de la contraception avec les personnes transgenres sexuellement actives et qui n'ont pas subi de chirurgie génitale ;
· Le parcours à suivre lorsque les personnes transgenres consultent avec un désir d'enfant ;
· La grossesse chez les hommes trans.