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Vapotage
© Getty

Sommes-nous démunis face au vapotage ?

La popularité fulgurante du vapotage chez les adolescents alerte les parlementaires et les professionnels de la santé. La Belgique tente d’agir, mais les compétences restent fragmentées face à ce phénomène, aggravé par l’usage détourné de certaines e-cigarettes pour consommer des drogues de synthèse.

Derrière les volutes parfumées à la pastèque ou au mojito se cache une réalité de plus en plus préoccupante. Le vapotage chez les jeunes ne cesse de gagner du terrain, souvent banalisé comme alternative au tabac, parfois utilisé comme vecteur de substances bien plus dangereuses. Lors d’une question commune posée en commission Santé, les députées Marie Jacqmin (Les Engagés) et Sabine Roberty (PS) ont rappelé que certaines vapes contiennent désormais des drogues de synthèse, comme le PTC (« pète ton crâne »), aux effets proches du cannabis artificiel, voire des substances aussi addictives que l’héroïne.

Yves Coppieters a confirmé ces dérives, mentionnant l’arrivée sur le marché belge de « spice vapes », contenant des cannabinoïdes de synthèse commercialisés sous les noms de K2 ou Buddha Blue (autre nom du PTC). « Ce sont des formes beaucoup plus puissantes et addictives que le cannabis naturel », souligne le ministre. Si les autorités n’ont pas encore de chiffres précis pour la Wallonie, la tendance s’inscrit dans un contexte international préoccupant : au Royaume-Uni, une étude récente révèle qu’une vape sur six contiendrait une drogue de synthèse.

Les données les plus récentes disponibles en Belgique proviennent d’une enquête de la Fondation contre le cancer (2023) : 33 % des jeunes de 15 à 20 ans ayant déjà fumé déclarent avoir utilisé une e-cigarette. Parmi eux, 16 % en sont des utilisateurs actuels. Et surtout : 59 % de ces jeunes disent connaître une ou plusieurs personnes de moins de 16 ans qui vapotent. Sciensano doit publier à l’automne 2025 les résultats de sa nouvelle enquête nationale, mais d’ici là, les chiffres disponibles laissent entrevoir un phénomène sous-estimé, peu contrôlé, et en pleine mutation.

Une prévention encore en construction

Face à cette progression rapide, la Belgique tente de réagir. Depuis le 1er janvier 2025, la vente de cigarettes électroniques jetables, connues sous le nom de “puffs”, est par exemple interdite.

Côté régional, la Wallonie a lancé un appel à projets en décembre 2024 pour renforcer la prévention de l’usage des nouveaux produits du tabac chez les jeunes. Deux opérateurs ont été retenus : le Fonds des affections respiratoires et le Service d’étude et de prévention du tabagisme. Le but ? S’adresser aux jeunes et élaborer des outils pédagogiques.

Ces initiatives s’intègrent dans le plan wallon « Sans tabac » et la campagne plus large « Ensemble vers un nouveau souffle », qui associe des acteurs divers tels que l’Institut Bordet, l’Observatoire de la santé du Hainaut, la Fédération des maisons médicales, ou encore l’Union des pharmaciens.

Les médecins sont souvent en première ligne pour détecter les signes précoces : usage compulsif, anxiété, palpitations, troubles du sommeil.

Pour l’heure, aucun bilan n’est encore disponible : les projets courent sur un an et sont encore en phase de déploiement. Mais selon le ministre Coppieters, « ce sont des leviers prometteurs pour atteindre le public cible », à condition d’être coordonnés et suivis sur la durée.

Un cadre légal en retard

Si les régions déploient des actions en matière de prévention, elles se heurtent aux limites de leurs compétences. La réglementation des produits de vapotage relève en grande partie du niveau fédéral, voire européen. Cela complique la réponse face à un phénomène aussi rapide qu’opaque, où les innovations commerciales précèdent souvent les interdictions.

Certains progrès récents sont néanmoins à signaler. Depuis avril 2025, l’obligation d’« invisibiliser » les produits dans les points de vente vise à limiter les achats impulsifs, notamment chez les jeunes. Une réglementation plus stricte sur les arômes, dénoncés comme particulièrement attractifs pour les adolescents, est également en préparation. Elle devrait voir le jour « d’ici la fin de l’année 2026 », selon le ministre. Une échéance lointaine, jugée trop tardive par plusieurs observateurs.

« Sans contrôle de la vente et sans répression des produits illégaux, nos efforts de prévention ne suffiront pas », a insisté la députée Sabine Roberty. Elle appelle à un front commun entre niveaux de pouvoir pour freiner cette banalisation, tout en ciblant mieux le marketing insidieux qui touche les publics les plus jeunes.

Quel rôle pour les professionnels de santé ?

Au-delà des campagnes et des textes législatifs, la question du vapotage chez les jeunes interpelle aussi le quotidien des médecins. Pour Yves Coppieters, il est indispensable de mieux outiller les professionnels de première ligne : « Il faut une réflexion globale sur le métier de tabacologue, sur l’aide médicamenteuse, sur l’accessibilité de ces soins, et sur la formation de base des professionnels de santé. »

À ce jour, le remboursement des consultations de sevrage tabagique reste limité, et la profession de tabacologue encore marginale. Pourtant, de plus en plus de généralistes, de pédiatres ou de médecins scolaires sont confrontés à des jeunes patients qui vapotent quotidiennement – parfois dès 13 ou 14 ans – et à des parents démunis. Dans ce contexte, la consultation médicale peut devenir un premier levier de prévention, à condition d’avoir accès à des outils à jour, à une orientation vers les ressources locales, et à des campagnes cohérentes à relayer.

Les deux députées ont insisté sur le rôle clef des soignants dans la détection et l’accompagnement des usages à risque, en particulier lorsque les e-cigarettes servent de vecteur à des substances psychoactives. À ce jour, aucun signalement épidémiologique n’a été rapporté par les urgences ou les centres antipoison en Belgique, mais les données manquent. Et les médecins sont souvent en première ligne pour détecter les signes précoces : usage compulsif, anxiété, palpitations, troubles du sommeil.

En attendant les résultats actualisés de l’enquête Sciensano attendus à l’automne 2025, les soignants peuvent déjà s’appuyer sur les outils développés dans le cadre du plan wallon « Sans tabac » et rester attentifs à l’émergence de ces nouveaux produits. Car, comme le rappelle le ministre, « le tabagisme, sous toutes ses formes, reste la première cause évitable de mortalité par cancer en Belgique ».

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Écrit par Laurent Zanella21 mai 2025

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