Le journal du médecin

Fonds des accidents médicaux : malheureusement pas toujours là pour aider les patients (opinion)

Créé pour éviter aux victimes d’accidents médicaux le parcours judiciaire, le Fonds des accidents médicaux (FAM) se transforme trop souvent en obstacle supplémentaire. Derrière la promesse d’une indemnisation rapide et humaine, des patients et leurs familles se heurtent à des refus incompréhensibles et à des procédures interminables, affirme le Dr Marc Lemmens, médecin colonel (er) et ancien inspecteur du travail à la Défense. Il dénonce une institution qui, au lieu d’aider les victimes, les pousse parfois à nouveau vers les tribunaux.

erreurs médicales
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La loi du 31 mars 2010 relative à l’indemnisation des dommages résultant de soins de santé a été promulguée dans le but de faciliter l’indemnisation des patients subissant des dommages liés à des soins de santé, et de leur éviter de se tourner vers la justice pour faire valoir leurs lésions.

Dans le JDM n°2803 du 7 octobre dernier, on a pu lire de la part de la directrice du FAM, organe de l’Inami chargé de traiter ces dossiers : « Une gestion rapide permet aux victimes de tourner la page après une période difficile, tandis que les dispensateurs de soins trouvent dans le FAM un lieu d’écoute plus serein que les tribunaux ».

Une réalité toute autre

La réalité de plusieurs dossiers est toute autre, et des victimes sont confrontées à des situations générées par le FAM qui les obligent à se tourner vers la justice.

Si l’expertise médicale contradictoire commanditée par le FAM détermine un taux d’incapacité « imputable » à l’accident médical de moins de 25%, le FAM referme le dossier et ne s’occupe plus de rien, le patient étant alors obligé de se tourner vers la justice, que l’accident médical ayant entraîné les dommages soit lié ou non à la responsabilité du prestataire.

Pour l’illustrer, le cas de cette patiente de 55 ans, handicapée des suites de multiples opérations à la hanche après une chute. Alors qu’elle souffre d’ostéoporose, le premier chirurgien décide de faire une ostéosynthèse du col du fémur, qui ne tient pas. Le second chirurgien dans le même hôpital décide de mettre une prothèse totale mais la patiente se retrouve avec une infection de prothèse. S’ensuivent plusieurs autres opérations dans un hôpital universitaire cette fois, qui laissent finalement la patiente avec une jambe plus courte et une boiterie.

La patiente introduit son dossier au FAM. L’expertise contradictoire commanditée par le FAM détermine une incapacité physique de 75%, n’attribue aucune faute dans le chef du premier chirurgien, et attribue une faute équivalent à 10% d’incapacité dans le chef du second chirurgien qui, suivant l’avis d’un expert infectiologue, n’a pas pris toutes les précautions infectieuses. 10 % c’est peu par rapport au taux d’incapacité total, et c’est moins que 25%, le FAM s’en lave donc les mains et la patiente est obligée de se tourner vers la justice car le médecin incriminé, son assurance et l’assurance de l’hôpital ne répondent à aucune de ses demandes d’indemnisation. Dossier introduit au FAM en 2018, la procédure en justice est toujours en cours…

Il y a beaucoup plus grave. Le cas de ce patient qui subit en juin 2013 à l’âge de 66 ans une cure d’anévrysme de l’aorte descendante dans un hôpital universitaire. Au cours de la première nuit post-opératoire, on constate une paralysie débutante des membres inférieurs. Un scanner est réalisé en urgence et décèle un hématome rachidien lombaire. Il ne s’agit donc pas d’une « simple » paralysie d’Adamkiewicz, complication connue de ce type d’opération, néanmoins de plus en plus rare vu l’évolution des techniques chirugicales. Deux tentatives de décompression de l’hématome ont lieu, la première directement, la suivante le lendemain, sans résultat, et le patient se retrouve complètement paralysé sous la ceinture et incontinent.

Les opérations de décompression lui occasionnent une perte de substance et une escarre profonde lombo-sacrée. Une greffe de peau n’y changera rien et cette région s’infecte régulièrement avec plusieurs épisodes de sepsis, raison pour laquelle on l’opère d’une colostomie permanente.

Le patient introduit son dossier au FAM début 2014. Il restera hospitalisé plus d’un an avant de pouvoir rentrer chez lui, nécessitant un aménagement du domicile, de la voiture, et des soins infirmiers et kiné journaliers. Les hospitalisations sont régulières pour surinfection vésicale ou de l’escarre lombo-sacrée, avec multiples épisodes de sepsis, et le patient décède complètement épuisé et dénutri début 2017.

Refus d’indemnisation

En dehors d’un accusé de réception de sa demande en 2014, le FAM n’a toujours donné aucune nouvelle. Au décès de son mari début 2017, sa veuve réintroduit le dossier pour son propre compte. Ce n’est qu’en 2018 que l’expertise contradictoire a lieu. Celle-ci conclut à un accident médical sans responsabilité des suites d’un hématome rachidien iatrogène, ayant finalement entraîné le décès du patient, et établit les différents degrés d’incapacité. La cause de l’hématome rachidien reste à ce stade indéterminée. Il faut dire que l’expert constate l’absence de protocole opératoire dans l’épais dossier médical de plus de 1000 pages, et que ni le chirurgien, ni l’anesthésiste présents à l’expertise n’ont fourni d’explication, l’anesthésiste mentionnant le niveau L4 L5 pour placement du drain péridural régulant la pression du liquide rachidien en début d’opération de cure d’anévrysme, or l’hématome rachidien était plus haut situé, en L2.

Le FAM envoie sa décision début 2019: contre toute attente, il refuse d’indemniser la veuve sous prétexte que l’accident médical sans responsabilité ne peut être considéré comme « anormal » au sens de la loi du 31 mars 2010, les paralysies post-opératoires (Adamkiewicz) d’une cure d’anévrysme de l’aorte descendante étant une complication connue donc « non anormale ».

« La cause de l’hématome rachidien au même niveau était donc flagrante. Les hématomes rachidiens sur péridurale sont rarissimes (moins de 0,001%)… »

La veuve prend alors conseil auprès de moi. Je parcours le dossier, page par page. Effectivement, les protocoles opératoires de la cure d’anévrysme ont disparu. Mais je découvre un document infirmier de salle d’op. Ce document  a non seulement échappé aux experts présents lors de l’expertise contradictoire, mais aussi à l’hôpital qui n’a jamais réagi à la demande de fournir le protocole opératoire et a probablement omis d’écarter aussi ce document du dossier. Ce document infirmier révèle qu’en fin de cure d’anévrysme, le drain lombaire n’était plus fonctionnel et qu’au moins trois essais de replacement du drain ont été tentés plus haut en L2, sans succès.

L’infirmier de salle d’op indique également qu’un reflux sanguin a été constaté lors de ces ponctions. La cause de l’hématome rachidien au même niveau était donc flagrante. Les hématomes rachidiens sur péridurale sont rarissimes (moins de 0,001%), ils provoquent des paralysies complètes au contraire de la paralysie d’Adamkiewicz, et selon moi peuvent être considérés comme « anormaux » au sens de la loi. La question de la responsabilité de l’anesthésiste se pose également, sans qu’on puisse nécessairement parler de faute.

Sur cette base, je conseille à la veuve d’introduire le dossier devant la justice, via un avocat que j’aurai l’occasion de briefer plusieurs fois pour qu’il comprenne bien la situation médicale et puisse défendre le dossier efficacement. Parallèlement, je dépose une plainte contre l’anesthésiste à l’Ordre des médecins, pour rétention d’information. Bien évidemment, on ne connaît jamais la suite qui est réservée aux plaintes déposées à l’Ordre des médecins.

 Un parcours du combattant

La veuve gagne en première instance en février 2020, mais contre toute attente à nouveau, le FAM fait appel. En juin 2022, après des manœuvres retardatrices incessantes de la part de l’avocat du FAM, la cour d’appel  rejette l’appel, rejette la demande du FAM de réaliser une contre-expertise, et confirme la décision en première instance : il s’agit bien d’un accident médical sans responsabilité ayant entraîné la mort du patient, qui peut être considéré comme « anormal » au sens de la loi du 31 mars 2010 et doit donc être indemnisé par le FAM.

Le parcours du combattant ne s’arrête pas là. La veuve décède début 2023 et le dossier doit être repris par ses héritiers. Ceux-ci tentent d’obtenir une proposition d’indemnisation directement au FAM sans succès, et c’est à nouveau la cour d’appel qui devra se prononcer pour fixer les conditions de l’indemnisation en décembre 2024. L’avocat du FAM a tout fait pour réduire celle-ci et le montant versé aux héritiers sera finalement réduit de moitié. L’expertise contradictoire avait retenu une intervention dans les frais matériels et médicaux sur factures.

Le FAM a réclamé la preuve que l’AVIQ n’était pas intervenue dans les frais matériels. Or, en dehors de la carte d’handicapé et de la TVA sur un nouveau véhicule, le patient décédé n’avait reçu aucune aide de l’AVIQ car il était âgé de plus de 65 ans au moment des faits. C’est inscrit dans les statuts qui régissent l’AVIQ mais le FAM n’a pas voulu tenir compte de cet argument, pas plus qu’il n’a accédé à la demande légitime des héritiers de fixer un forfait journalier d’indemnisation pour les soins infirmiers et kiné. Il leur était en effet difficile de retrouver toutes les factures de soins et de faire un décompte correct des remboursements, vu le décès de leurs parents et après un délai aussi long pour faire reconnaître l’accident.

Un relevé a été demandé à la mutuelle du défunt mais il a été constaté qu’il était difficile de remonter à 2013 et que le relevé fourni par la mutuelle était largement incomplet. De ce fait, ces postes n’ont pas été indemnisés par le FAM, et les héritiers, écœurés et épuisés, ont laissé tomber l’indemnisation des frais matériels et des frais médicaux. L’indemnisation a été versée en septembre 2025, onze ans et demi après l’introduction du dossier. L’attitude du FAM dans ce dossier a été complètement inhumaine et malhonnête médicalement et financièrement, et à aucun moment le FAM n’a reconnu son erreur et n’a fait marche arrière malgré toutes les preuves avancées.

« Dans les cas où l’incapacité imputable est de moins de 25%, le législateur ne pourrait-il pas prévoir que le FAM récupère ces sommes auprès des assurances des médecins et indemnise également les victimes d’accident? »

Dès lors, plusieurs questions se posent dans un souci d’amélioration. Quel est le pourcentage de dossiers rejetés par le FAM, de recours contre ce rejet et de dossiers où l’incapacité imputable est de moins de 25% ? Dans combien de dossiers le FAM a-t-il été condamné par la justice ? Dans les cas où l’incapacité imputable est de moins de 25%, le législateur ne pourrait-il pas prévoir que le FAM récupère ces sommes auprès des assurances des médecins et indemnise également les victimes d’accident? Des médecins du FAM examinent-ils les dossiers ? Une fois l’avis du FAM émis et en cas de recours, les dossiers sont-ils suivis par un médecin ou seulement par des juristes et des avocats ? Le nom d’un contact médecin du FAM ne devrait-il pas être mentionné sur l’avis du FAM transmis à la victime ? Le pourcentage d’incidence d’une complication pour que le dommage soit considéré comme « anormal » par le FAM ne doit-il pas être fixé légalement, plutôt que laissé à l’appréciation du FAM ? Lorsqu’un médecin omet de transmettre des informations capitales dans un dossier médical ou lors de l’expertise contradictoire, le FAM ne devrait-il pas lui-même introduire une plainte contre ce médecin ? N’est-il pas temps que les plaignants à l’Ordre des médecins soient mis au courant de ses décisions et que l’Ordre soit plus transparent ?

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Geschreven door Dr Marc Lemmens14 oktober 2025
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