Urgences urologiques

La prise en charge des urgences urologiques n'est pas toujours évidente au sein de la première ligne. Pourtant, le médecin généraliste joue un rôle crucial dans le triage, le dépistage et le suivi. Le Pr Anne-Françoise Spinoit, urologue à l'UZ Gent, fait le point sur les calculs urinaires, la rétention urinaire, la pyélonéphrite et la prostatite. Elle attire également l'attention sur deux présentations urologiques rares, mais à ne pas rater.
Elle nous offre quelques informations clés, telles que: "Dans quelles urgences urologiques risquons-nous des problèmes majeurs, voire des complications potentiellement létales? Faut-il toujours adopter une approche 'agressive'? Dans quels cas une temporisation (du traitement, du renvoi ou du suivi après l'épisode aigu) est-elle sûre et même indiquée?"
Calculs urinaires et rénaux
Une personne sur dix développe des calculs rénaux à un moment ou à un autre de sa vie. Il s'agit généralement d'adultes, plus souvent d'hommes que de femmes, mais parfois d'enfants (en cas d'anomalie anatomique ou de prédisposition génétique).
"L'histoire classique est celle d'une douleur aiguë et sévère dans l'un des flancs, irradiant vers les organes génitaux. La douleur apparaît soudainement et ne disparaît pas d'elle-même, même avec du paracétamol. Les patients ont tellement mal qu'ils ne peuvent pas rester assis [1]. La première étape consiste donc à soulager la douleur", relève le Pr Spinoit. "Un AINS soulage souvent déjà la douleur, sinon on peut passer à un dérivé morphinique. Dans tous les cas, la douleur doit disparaître avec les médicaments, sinon une opération (stent JJ) sera nécessaire pour éliminer la pression dans le système urinaire. Si le calcul reste bloqué trop longtemps, l'urine peut être contaminée et conduire à un urosepsis."
En cas d'infections urinaires, il faut d'abord réaliser un sédiment et une culture urinaires avant d'administrer des antibiotiques. Il est important de pouvoir identifier le germe.
En cas de colique néphrétique, il est essentiel de passer quelques points en revue avant de pouvoir renvoyer le patient chez lui. "Prélevez toujours un échantillon d'urine. Il peut contenir un peu de sang, mais ne doit pas révéler d'infection. Le patient ne doit pas non plus avoir de fièvre. L'abdomen doit être souple", souligne l'urologue. "Si la douleur ne disparaît pas, le patient doit obligatoirement se rendre aux urgences." Et d'ajouter: "Au moment de la douleur, il vaut mieux ne rien boire. Au contraire, après, il faut boire, et beaucoup, pour essayer d'évacuer le calcul. Pour vérifier si vous avez éliminé le calcul, vous pouvez filtrer l'urine à la maison."
"Il est judicieux de prévoir un suivi", ajoute le Pr Spinoit. "La douleur doit avoir complètement disparu. En cas de doute, prescrivez une échographie des voies urinaires. Nous voyons régulièrement des personnes qui souffrent depuis plusieurs semaines de douleurs persistantes et lancinantes qui ont commencé par un épisode aigu. Il peut s'agir d'un calcul qui est resté très peu de temps dans le passage, qui a reflué vers le rein et qui, de temps en temps, bloque un peu les voies urinaires. Si nous n'intervenons pas, ce calcul continue à grossir". Ce rendez-vous de contrôle peut également avoir lieu en deuxième ligne, du moins s'il peut avoir lieu assez rapidement. En fait, tous les patients, même après un seul épisode, doivent être référés pour un bilan de calculs. "Nous vérifions s'il y a d'autres calculs dans les reins et s'il y a des facteurs sous-jacents. Nous pouvons ainsi donner des conseils ciblés pour éviter une nouvelle crise rénale."
Rétention urinaire aiguë
La rétention urinaire peut survenir chez les femmes, les hommes et les enfants, mais les causes sont différentes. "Les jeunes enfants sont incontinents par définition. Si une rétention survient ensuite, il faut toujours référer à un spécialiste, car il peut s'agir d'une anomalie congénitale", explique Anne-Françoise Spinoit. "Nous connaissons tous la rétention urinaire chez l'homme âgé, due à une obstruction de la prostate. D'autres facteurs déclenchants peuvent être un traumatisme, par exemple après un accident de la route, mais aussi la prise de certains médicaments."
Ainsi, tous les médicaments qui agissent sur la conscience (benzodiazépines, antipsychotiques, certains antidépresseurs) peuvent rendre la vessie plus paresseuse, ce qui, à haute dose, peut entraîner une rétention urinaire. Les anticholinergiques et les médicaments contre la maladie de Parkinson peuvent également avoir cet effet, de même que les analgésiques lourds. "Il s'agit souvent d'une augmentation soudaine de la dose ou d'une combinaison de ces médicaments. Pensons au patient qui se casse la cheville et prend du tramadol pour la douleur, mais aussi un médicament le soir pour l'aider à dormir. Après l'opération, il prend des analgésiques supplémentaires et, soudain, il ne peut plus uriner", détaille le Pr Spinoit.
La présentation est généralement claire: il s'agit d'une personne qui ne peut plus uriner depuis plusieurs heures et dont l'abdomen gonfle. Cela fait généralement très mal, à moins qu'un analgésique (lourd) ne soit utilisé. "Le médecin généraliste peut immédiatement placer une sonde vésicale. Parfois, cela est impossible et une sonde sus-pubienne doit être posée à l'hôpital. Lors de la vidange de la vessie, il est très important de clamper la sonde pendant 20 minutes après avoir évacué un litre d'urine. Si vous évacuez deux ou trois litres d'urine d'un coup, vous risquez une hémorragie de la paroi vésicale", explique le Pr Spinoit. "Quoi qu'il en soit, cette sonde vésicale est une solution temporaire. Un premier contact avec l'urologue doit suivre dans les 24 heures pour une mise au point. Si vous n'obtenez pas un rendez-vous aussi rapidement, vous devez insister ou l'avoir au téléphone et pouvoir lui parler."
Deux infections majeures
· Pyélonéphrite. La pyélonéphrite classique survient chez l'adolescente ou la jeune femme (16-30 ans), après les premiers rapports sexuels, ou pendant les mois d'été, lorsqu'elle a bu trop peu d'eau. La patiente présente une forte fièvre, est faible, souffre d'une sensation de brûlure en urinant, d'une forte douleur dans l'abdomen et d'une sensation de lourdeur au niveau du rein infecté. Parfois, elle présente (des symptômes d') une infection de la vessie au préalable, mais pas toujours. Dans des contextes atypiques ou chez les enfants, il faut toujours rechercher la cause sous-jacente d'une pyélonéphrite.
"Un certain nombre d'éléments sont importants dans la politique à mener. Tout d'abord, il faut réaliser un sédiment et une culture urinaires avant d'administrer des antibiotiques. Il est important de pouvoir identifier le germe. Ne commencez donc pas une antibiothérapie à l'aveuglette [2]", insiste le Pr Spinoit. "Je donne d'emblée l'ordonnance au patient [3], mais je lui demande explicitement d'attendre le résultat/mon signal pour aller la chercher à la pharmacie. De cette manière, vous pouvez encore adapter votre prescription (électronique) en fonction des résultats de la culture."
Deuxièmement, tout diagnostic de pyélonéphrite doit être suivi, en urgence, d'une échographie des voies urinaires. L'urologue explique: "Certaines pyélonéphrites sont dues à un calcul infecté. Il faut systématiquement éliminer une obstruction rénale, ainsi qu'un abcès. Chez l'enfant, ce bilan est plus étendu et il faut également rechercher un reflux." Le scanner n'est indiqué que si l'échographie n'apporte pas suffisamment de clarté.
· Prostatite. La prostatite classique concerne à nouveau l'homme âgé. Il se plaint d'une sensation de chaleur entre les jambes et de douleurs (et de difficultés) au moment d'uriner. S'asseoir sur une selle de vélo peut être très douloureux. Le patient peut également présenter une forte fièvre. "C'est un sujet controversé, mais en cas de doute sur le diagnostic, on ne se trompe jamais en procédant à un toucher rectal", relève le Pr Spinoit. Là encore, un sédiment et une culture urinaires doivent être effectués en premier lieu. "La prostatite doit s'améliorer 24 à 48 heures après le démarrage des antibiotiques, sinon il y a un risque de rétention urinaire. Le suivi est donc important." Un patient atteint de prostatite doit également être systématiquement orienté vers l'urologie: " Souvent, la prostate est devenue trop grosse et continuera à poser des problèmes ", précise la spécialiste.
[1] L'abdomen aigu est un diagnostic différentiel important. En cas d'appendicite, par exemple, le patient bougera le moins possible.
[2] Il ne faut surtout pas commencer la ciprofloxacine sans culture prouvée (en cas de pyélonéphrite ou de prostatite). La résistance à cet antibiotique a considérablement augmenté ces dernières années.
[3] Un suivi ambulatoire est possible si le patient peut s'hydrater et se déplacer lui-même et s'il peut compter sur une aide suffisante à domicile.
Urgences nécrotiques
- Le dépistage de la gangrène de Fournier est d'une importance vitale. Cette nécrose tissulaire débute par une petite plaie périnéale (en postopératoire, une piqûre de moustique, une plaie de rasage), puis des germes atypiques donnent naissance à une fasciite " mangeuse de chair " rapidement progressive du périnée, du (supra)pubis, du scrotum et de la zone autour de l'anus. Elle touche généralement des hommes âgés, immunodéprimés, ayant une hygiène insuffisante ou abusant de l'alcool. La gangrène de Fournier entraîne de la fièvre, un choc hypovasculaire et une défaillance de plusieurs organes. L'odeur typique peut également aider à reconnaître cette nécrose. L'approche est extrêmement urgente et chirurgicale, avec un débridement étendu du tissu affecté.
- On parle de priapisme lorsqu'une érection persiste pendant plus de 6 à 8 heures et qu'elle est douloureuse. Ce phénomène peut être spontané, mais il est généralement dû à des drogues aphrodisiaques ou à des médicaments légaux (sildénafil, etc.). Un renvoi urgent est indispensable. Le sang dans le pénis doit être évacué, non seulement pour traiter la douleur, mais aussi parce que les corps caverneux n'ont pas assez d'oxygène. Une fois ceux-ci nécrosés, le patient est impuissant à vie. Même lorsqu'une érection ne dure 'que' quelques heures mais qu'elle est déjà douloureuse, il est préférable de référer le patient rapidement à la deuxième ligne.
Objectifs d'apprentissage
La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec:
?? La clinique et le traitement des calculs urinaires et rénaux ;
?? Les causes, la clinique et le traitement de la rétention urinaire aiguë ;
?? La clinique et le traitement de la pyélonéphrite ;
?? La clinique et le traitement de la prostatite ;
?? La clinique et le traitement de la gangrène de Fournier ;
?? La clinique et le traitement du priapisme.