Le journal du médecinPremium

La théranostique, une voie d'excellence

photo

Le CHU de Liège vient d'être accrédité "centre théranostique d'excellence", devenant le premier hôpital belge francophone à recevoir cette distinction décernée par l'Association européenne de médecine nucléaire (EANM). Une discipline amenée à se développer fortement dans les prochaines années.

Dans le cadre de sa démarche "hôpital du futur", l'hôpital universitaire de Liège vient d'obtenir son accréditation par l'EAMN pour la prise en charge des patients par thérapies par radioligands (RLT). Le CHU liégeois est le premier hôpital francophone accrédité "centre théranostique d'excellence" suite à d'importants aménagements réalisés pour optimaliser et sécuriser l'environnement des patients traités par RLT. Une thérapeutique de pointe, notamment dans le cancer, appelée à connaître une croissance exponentielle. Le point avec le Pr Roland Hustinx, chef du service de médecine nucléaire et imagerie oncologique à l'Institut de cancérologie Arsène Burny (Icab) du CHU de Liège.

Les rayonnements alpha, extrêmement efficaces et beaucoup moins toxiques, apportent beaucoup d'espoir." - Pr Roland Hustinx

Le journal du Médecin: Le CHU de Liège dispose désormais de huit chambres dédiées à la théranostique...

Pr Roland Hustinx: Nous avions initialement deux chambres utilisées depuis longtemps en médecine nucléaire pour les traitements par iode radioactif pour les pathologies thyroïdiennes - en particulier pour les cancers de la thyroïde. Ces patients reçoivent une importante quantité d'iode radioactif, ils sont irradiants, la législation impose donc de les hospitaliser en 'isolement protecteur', en prenant également en compte les excrétas contaminés.

Jusqu'il y a peu, cette activité était assez marginale: les cancers de la thyroïde candidats pour ce type de traitement ne sont pas très fréquents: environ une trentaine de cas traités par an. Ces deux chambres répondaient à une procédure de décontamination, avec des WC réfrigérants qui congèlent les urines et les selles avant de les stocker le temps de la décroissance.

Aujourd'hui, deux nouveaux médicaments sont remboursés en Belgique pour le traitement des tumeurs neuroendoctrines et surtout, des cancers prostatiques métastatiques. Ce type de traitement est donc devenu beaucoup plus fréquent, or la législation nous impose d'hospitaliser les patients pendant 24 h. Nous avons dès lors adapté l'aile qui abritait les deux chambres pour l'iode radioactif en huit chambres complètement rénovées - qui par ailleurs répondent aux normes les plus récentes en termes de d'hygiène et de confort hospitaliers. Elles sont équipées de cuves enterrées qui recueillent les eaux usées des salles de bain pour permettre aux patients de se laver tout à fait normalement. Et elles sont également dotées d'un double WC relié à des cuves de décroissance: un WC dit 'froid' et un 'chaud', en fonction des traitements. On a aussi créé un petit sas de décontamination pour éviter d'éventuellement transporter de la contamination radioactive à l'extérieur de l'hôpital.

La théranostique, une voie d'excellence

Comment se déroulent les traitements en termes de sécurité?

Les injections se font en chambre: on prépare le médicament dans le service de médecine nucléaire, on l'amène en conteneur blindé et on l'administre au patient en intraveineuse via une perfusion avec un protège seringue blindé. Le lendemain, le patient vient dans le service de médecine nucléaire équipé pour la théranostique, où l'on va prendre des clichés de la distribution du médicament.

Ce nouveau centre de théranostique permettra de traiter combien de patients?

Potentiellement, un par jour dans chacune des chambres, mais on n'a pas besoin d'autant pour le moment: là, on fait entre cinq et dix injections par semaine. Mais nous sommes prêts pour l'augmentation qui est en cours. Un article scientifique récent indique qu'aux États-Unis, on prévoit 196.000 injections annuelles.

Attend-on de nouvelles molécules pour d'autres types de tumeurs?

On s'attend plutôt des extensions de remboursement pour d'autres indications de la molécule qui existe déjà dans le cancer de la prostate. Pour le moment, l'indication est le cancer de la prostate métastatique résistant à la castration et après chimiothérapie ou lorsque la chimiothérapie ne peut être réalisée, mais des études déjà publiées montrent un intérêt un peu plus tôt dans le décours de la maladie, avant la chimiothérapie, où un bénéfice clinique est établi. Concernant les tumeurs digestives, la molécule utilisée actuellement fait l'objet d'essais cliniques de phase 3 pour d'autres types de tumeurs mais, surtout, il y a d'autres molécules en cours de tests, notamment dans le cancer du sein et du poumon qui sont aussi des cancers fréquents.

Le troisième axe de développement, ce sont des molécules marquées avec des radio-isotopes qui émettent des rayonnements alpha. Les radio-isotopes qu'on utilise pour le moment émettent un rayonnement "bêta -". Ils sont efficaces, mais le rayonnement alpha est beaucoup plus destructeur, son efficacité biologique est très supérieure au rayonnement bêta: là où un rayonnement bêta parcourt plusieurs millimètres dans les tissus, un rayonnement alpha ne parcourt que quelques dizaines de microns, donc quelques couches cellulaires. Les rayonnements alpha ont la capacité d'être extrêmement efficaces et beaucoup moins toxiques, ils apportent donc beaucoup d'espoir.

Cette technologie est-elle réservée aux hôpitaux académiques? Vous êtes les premiers accrédités côté francophone...

Dans la législation, rien n'empêche de le faire dans n'importe quel hôpital mais dans les faits, ce sont essentiellement les hôpitaux académiques qui réalisent ces traitements, oui. Pour le moment, seuls quelques centres côté néerlandophone sont accrédités. Cette accréditation des centres de théranostique est une extension de l'accréditation des équipements d'imagerie, une initiative européenne prise il y a une quinzaine d'années pour faciliter l'inclusion des centres pour la réalisation d'essais cliniques. Pour le moment, c'est une accréditation relativement basique, sur base d'une checklist (ressources, infrastructure, nombre de physiciens, équipement, etc.)

Cette approche pourrait-elle permettre de traiter d'autres pathologies un jour?

On s'y attend, les essais cliniques foisonnent et partent un peu dans tous les sens pour le moment. En oncologie, le traitement devient un peu mainstream, les médecins nucléaristes sont désormais partie prenante dans les concertations multidisciplinaires d'oncologie (COM).

Les hôpitaux auront donc besoin de davantage de médecins nucléaristes dans les années à venir?

On aura besoin de plus de médecins nucléaristes, en effet, mais, surtout, de médecins nucléaristes formés à la réalisation de ces traitements, et à la prise en charge des patients, pour gérer les aspects médicaux immédiats, les aspects de radioprotection, et assurer aussi le suivi des patients, les effets secondaires spécifiques, en collaboration avec le spécialiste référent: l'oncologue, l'urologue, le pneumologue...

Cette spécialisation en théranostique existe déjà chez nous?

Les universités belges ont adapté leurs formations dans les masters de spécialisation et pour les programmes de stage afin de tenir compte de cette dimension. C'est une force de la Belgique car ce n'est pas le cas partout en Europe: tout le monde n'est pas prêt pour cette révolution.

Un entretien de Cécile Vrayenne

Pr Roland Hustinx
Pr Roland Hustinx

Wat heb je nodig

Accès GRATUIT à l'article
ou
Faites un essai gratuit!Devenez un membre premium gratuit pendant un mois
et découvrez tous les avantages uniques que nous avons à vous offrir.
  • checkaccès numérique aux magazines imprimés
  • checkaccès numérique à le Journal de Médecin, Le Phamacien et AK Hospitals
  • checkoffre d'actualités variée avec actualités, opinions, analyses, actualités médicales et pratiques
  • checknewsletter quotidienne avec des actualités du secteur médical
Vous êtes déjà abonné? 

En savoir plus sur

Magazine imprimé

Édition Récente
16 décembre 2025

Lire la suite

Découvrez la dernière édition de notre magazine, qui regorge d'articles inspirants, d'analyses approfondies et de visuels époustouflants. Laissez-vous entraîner dans un voyage à travers les sujets les plus brûlants et les histoires que vous ne voudrez pas manquer.

Dans ce magazine