Le journal du médecin

JM Academy / Diversité des genres (I)

Traitement hormonal chez l'adulte (I)

Pr T'Sjoen
JDB

« Nous demandons systĂ©matiquement une analyse sanguine de rĂ©fĂ©rence chez les personnes qui consultent pour un traitement hormonal dans le cadre d'une transition », explique le Pr Guy T'Sjoen [1]. « Toutefois, nous trouvons le plus souvent des taux normaux d’hormones sexuelles. 

Un caryotype y Ă©tait assez souvent ajoutĂ© auparavant, mais cette pratique a Ă©tĂ© abandonnĂ©e. « Les anomalies du caryotype sont extrĂȘmement rares chez les personnes qui souhaitent entamer une transition mĂ©dicale. Sur base de la littĂ©rature et de notre expertise clinique personnelle, un dĂ©pistage systĂ©matique de ces anomalies ne semble pas appropriĂ©. Un caryogramme peut nĂ©anmoins se rĂ©vĂ©ler utile dans de rares cas, lorsque l'examen clinique, l'anamnĂšse ou l'analyse sanguine orientent vers une anomalie rare de la diffĂ©renciation sexuelle (DSD). »

Une attention particuliĂšre aux effets secondaires

La Dre Justine Defreyne [2] explique le dĂ©roulement du traitement : « Les patients se rendent d'abord chez le psychologue oĂč ils reçoivent des informations sur le dĂ©roulement du traitement. Ils sont interrogĂ©s dans le mĂȘme temps : le traitement hormonal correspond-il Ă  leurs attentes, ou faut-il explorer d'autres options ? AprĂšs cette sĂ©ance exploratoire et informative, les patients viennent nous voir en tant qu'endocrinologues. Nous leur remettons une ordonnance pour leur traitement hormonal, qu'ils peuvent simplement se procurer dans leur pharmacie. »

[JM Academy] Le traitement hormonal chez l'adulte (II)
8 articles
Tout savoir sur jm academy / diversité des genres (ii)Découvrez notre magazine sur jm academy / diversité des genres (ii)
Lire le magazinechevron_right

Des lignes directrices claires existent pour l'instauration d'un traitement hormonal virilisant ou féminisant. En ce qui concerne les produits utilisés à cette fin et leur dosage, une expérience importante avait déjà été acquise dans d'autres indications, en dehors du traitement de la dysphorie de genre. De plus en plus de données spécifiques au transgenrisme sont devenues disponibles au fil du temps.

L'un des principaux points d’attention liĂ©s Ă  l'hormonothĂ©rapie d'affirmation du genre est le risque de dĂ©velopper des effets indĂ©sirables plutĂŽt rares mais graves. Il faut penser tout particuliĂšrement aux Ă©vĂ©nements thromboemboliques. Il ne s'agit pas seulement des effets secondaires redoutĂ©s de l'ƓstrogĂ©nothĂ©rapie : en raison de son effet stimulant sur l'hĂ©matocrite, la testostĂ©rone peut Ă©galement favoriser la formation de caillots. « Nous devons agir ici non seulement en tant qu'endocrinologues, mais aussi en tant qu'internistes gĂ©nĂ©raux », dĂ©clare le Pr T'Sjoen. Le patient est examinĂ© dans une perspective large, en tenant compte de ses antĂ©cĂ©dents familiaux et mĂ©dicaux, ainsi que des facteurs liĂ©s Ă  son mode de vie. Des Ă©lĂ©ments tels que le tabagisme, les apnĂ©es du sommeil ou l'obĂ©sitĂ© peuvent par exemple favoriser l'Ă©rythrocytose induite par la testostĂ©rone.

Le traitement féminisant

Dans le cadre d'un traitement hormonal visant Ă  la fĂ©minisation, la production de testostĂ©rone endogĂšne doit d'abord ĂȘtre rĂ©duite. L'arrĂȘt complet de la production de testostĂ©rone endogĂšne ne peut ĂȘtre obtenu avec des doses sĂ»res d'ƓstrogĂšnes. Auparavant, la production de testostĂ©rone Ă©tait stoppĂ©e par l'acĂ©tate de cyprotĂ©rone (AndrocurÂź), mais un remboursement a Ă©tĂ© accordĂ© entre-temps pour la triptorĂ©line (DecapeptylÂź) (lire Ă©galement l'article prĂ©cĂ©dent : ‘Le traitement hormonal chez l'enfant et l'adolescent’). La triptorĂ©line est administrĂ©e par injection, souvent tous les trois mois. Elle peut ĂȘtre administrĂ©e par le mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste ou l'infirmier Ă  domicile.

« L'un des principaux points d’attention liĂ©s Ă  l'hormonothĂ©rapie d'affirmation du genre est le risque de dĂ©velopper des effets indĂ©sirables plutĂŽt rares mais graves. »

« Nous prĂ©fĂ©rons la triptorĂ©line Ă  l'acĂ©tate de cyprotĂ©rone, qui peut potentiellement dĂ©clencher des symptĂŽmes dĂ©pressifs », ajoute le Pr T'Sjoen. « De plus, la littĂ©rature relative Ă  l'acĂ©tate de cyprotĂ©rone mentionne un risque lĂ©gĂšrement accru de mĂ©ningiome en cas d'utilisation Ă  long terme. Ce dernier point a Ă©tĂ© dĂ©cisif dans l'abandon de l'acĂ©tate de cyprotĂ©rone. Par ailleurs, l'EMA recommande de limiter la posologie de ce mĂ©dicament à 10 mg/jour pendant deux ans au maximum. Aux États-Unis, la spironolactone est largement utilisĂ©e comme anti-androgĂšne. D'aprĂšs notre expĂ©rience, son effet sur les taux de testostĂ©rone est variable : chez certains individus, nous constatons une diminution insuffisante du taux de testostĂ©rone. En outre, l'effet diurĂ©tique du mĂ©dicament peut Ă©galement provoquer des symptĂŽmes gĂȘnants. »

ParallĂšlement, des ƓstrogĂšnes sont administrĂ©s sous forme de comprimĂ©s, de patchs ou de gel. Il n'existe pas de prĂ©parations Ă  libĂ©ration prolongĂ©e en Belgique. Les comprimĂ©s et le gel sont Ă  utiliser quotidiennement, alors que le patch est Ă  remplacer tous les trois jours. La dose appliquĂ©e est indiquĂ©e dans un protocole de base, mais elle peut ĂȘtre adaptĂ©e au profil et aux souhaits de la personne. En tenant compte de son contexte social, on procĂšde parfois un peu plus lentement, ou avec des doses plus faibles.

En ce qui concerne le traitement hormonal fĂ©minisant stricto sensu, un risque accru de thrombose constitue en principe une contre-indication. Bien entendu, le processus de dĂ©cision partagĂ©e est systĂ©matique lorsque l'initiation d'une thĂ©rapie hormonale est souhaitĂ©e. On s'efforce alors au maximum de limiter les autres facteurs de risque par une perte de poids et l'arrĂȘt du tabagisme. « Nous travaillons toujours en concertation avec le service d’hĂ©matologie lorsque le patient se caractĂ©rise par un profil de risque plus complexe ou une coagulopathie. »

Les effets des traitements féminisants (développement des seins, modification des contours du corps, diminution de la pilosité) ne se produisent pas du jour au lendemain. « Le mot qui revient le plus souvent lors de nos consultations est patience », indique Guy T'Sjoen. « Les personnes ont parfois tendance à prendre des hormones féminisantes à des doses légÚrement supérieures à celles qui leur ont été prescrites. Il faut les en prémunir et leur faire comprendre que leur processus de féminisation est comparable à une seconde puberté. Cela prend du temps. »

Les hormones fĂ©minisantes ne font pas disparaĂźtre la barbe. Pour cela, l'Ă©pilation au laser ou, le cas Ă©chĂ©ant, l'Ă©pilation Ă©lectrique sont appropriĂ©es. MalgrĂ© le traitement hormonal, la voix se maintient Ă©galement dans le registre masculin. Ce problĂšme peut ĂȘtre rĂ©solu par de la logopĂ©die ou, Ă©ventuellement, par une chirurgie de la voix.

Le traitement virilisant

« Le traitement par testostĂ©rone rĂ©ussit Ă  freiner la production de gonadotrophines chez la plupart des hommes transgenres. Il n'est donc pas nĂ©cessaire d'associer un second mĂ©dicament comme la triptorĂ©line pour arrĂȘter la production endogĂšne », explique le Dr Jeroen Vervalcke [2]. « Parfois, nous observons que le contrĂŽle du cycle menstruel par l'hypophyse est prĂ©servĂ©. Raison pour laquelle nous informons les hommes transgenres que le traitement Ă  la testostĂ©rone, en soi, n'empĂȘche pas la grossesse et que des mesures contraceptives supplĂ©mentaires sont donc nĂ©cessaires si la personne est sexuellement active. Des progestatifs peuvent Ă©galement ĂȘtre utilisĂ©s pour accĂ©lĂ©rer la suppression des menstruations. »

La testostĂ©rone est disponible sous forme de gel et d'injections d'esters Ă  longue durĂ©e d'action (administration toutes les 12 semaines) ou Ă  courte durĂ©e d'action (administration toutes les deux Ă  trois semaines). « Il existe une diffĂ©rence entre les prĂ©parations en termes de suppression des rĂšgles », explique la Dre Defreyne. « Avec les esters Ă  courte durĂ©e d'action, les menstruations s'arrĂȘtent souvent assez rapidement, tandis que cela peut prendre plusieurs mois avec les esters Ă  longue durĂ©e d'action. Dans certains cas, la suppression n'est observĂ©e qu'au bout d'un an. AprĂšs 18 mois, les menstruations disparaissent avec n'importe quelle prĂ©paration Ă  base de testostĂ©rone. Si nous combinons la testostĂ©rone avec des progestatifs, nous suggĂ©rons de l'arrĂȘter aprĂšs trois Ă  six mois. Les menstruations seront alors gĂ©nĂ©ralement supprimĂ©es. »

La testostĂ©rone est un mĂ©dicament trĂšs efficace, et les premiers signes de virilisation sont souvent observĂ©s rapidement. Le premier changement est la baisse de la frĂ©quence vocale, qui est suffisamment obtenu aprĂšs six semaines Ă  trois mois. Cependant, les mesures montrent une diminution insuffisante de la frĂ©quence vocale chez deux hommes sur dix. La logopĂ©die peut s'avĂ©rer utile chez ces hommes. En outre, sous l'influence du traitement par testostĂ©rone, la masse musculaire augmentera et la masse graisseuse diminuera, tandis que les poils prendront une forme masculine et que la barbe poussera. Ici encore, la patience est de mise. L'hormonothĂ©rapie n'a que peu ou pas d'effet sur certaines caractĂ©ristiques physiques, comme la prĂ©sence de seins. Les personnes qui le souhaitent peuvent bĂ©nĂ©ficier d’une ablation chirurgicale des seins dans le cadre du processus de transition.

Les effets secondaires de la testostĂ©rone comprennent une acnĂ© lĂ©gĂšre Ă  sĂ©vĂšre et, avec le temps, le dĂ©veloppement d'une alopĂ©cie androgĂ©nĂ©tique. Comme indiquĂ© prĂ©cĂ©demment, l'hĂ©matocrite est un paramĂštre Ă  surveiller. Trois mois aprĂšs le dĂ©but du traitement virilisant, l'hĂ©matocrite peut dĂ©jĂ  se situer dans les valeurs de rĂ©fĂ©rence masculines. Il sera surveillĂ© tous les trois Ă  six mois au dĂ©but, puis tous les ans si le patient se trouve Ă  la limite supĂ©rieure du taux normal – sinon, tous les trois ans. « Nous devenons trĂšs vigilants lorsque l'hĂ©matocrite dĂ©passe 54 % », explique le Pr T'Sjoen. « Dans ce cas, nous rĂ©duisons la dose de testostĂ©rone ou, le cas Ă©chĂ©ant, nous motivons le patient pour qu'il arrĂȘte de fumer, qu'il perde du poids et/ou qu'il suive un traitement au laboratoire du sommeil. Dans de rares cas, une phlĂ©botomie thĂ©rapeutique peut Ă©galement s'avĂ©rer nĂ©cessaire. »

« Dans un contexte stable, l'hématocrite n'augmente pas aprÚs un an de traitement par testostérone », ajoute la Dre Defreyne. « Mais il faut rester vigilant, car un élément du contexte peut changer, comme le tabagisme ou un début de SAOS. »

Les anciennes lignes directrices faisaient rĂ©fĂ©rence Ă  une perturbation des tests hĂ©patiques lors d'un traitement par testostĂ©rone. Cet effet indĂ©sirable ne s’observe plus avec les prĂ©parations actuelles. Tout au plus, de lĂ©gĂšres anomalies des tests hĂ©patiques sont mesurĂ©es chez une minoritĂ© de personnes traitĂ©es, et elles disparaissent lors d’un contrĂŽle ultĂ©rieur. « Nous n'avons jamais dĂ» interrompre un traitement par testostĂ©rone en raison de problĂšmes hĂ©patiques », rassure le Pr T'Sjoen.

Remarques :
1.       Chef du service d'endocrinologie - équipe chargée des questions relatives au genre, UZ Gent.
2.       Service d'endocrinologie – Ă©quipe chargĂ©e des questions relatives au genre, UZ Gent.

Objectifs d’apprentissage 
La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec :
-La place du caryotype dans la prise en charge des personnes souhaitant entamer une transition médicale ;
-L’encadrement du risque d'effets secondaires des traitements hormonaux ;
-Les produits utilisés dans les traitements hormonaux féminisants ;
-Les effets des traitements hormonaux féminisants ;
-Les produits utilisés dans les traitements hormonaux virilisants ;
-Les effets des traitements hormonaux virilisants.

AccĂšs GRATUIT Ă  l'article
ou
Faites un essai gratuit!Devenez un partenaire premium gratuit pendant un mois
et découvrez tous les avantages uniques que nous avons à vous offrir.
  • checknewsletter hebdomadaire avec des nouvelles de votre secteur
  • checkl'accĂšs numĂ©rique Ă  35 revues spĂ©cialisĂ©es et Ă  des aperçus du secteur financier
  • checkVos messages sur une sĂ©lection de sites web spĂ©cialisĂ©s
  • checkune visibilitĂ© maximale pour votre entreprise
Vous ĂȘtes dĂ©jĂ  abonnĂ©? 
Écrit par Dr Michùle Langendries12 juin 2025

En savoir plus sur

Magazine imprimé

Édition RĂ©cente

Lire la suite

Découvrez la derniÚre édition de notre magazine, qui regorge d'articles inspirants, d'analyses approfondies et de visuels époustouflants. Laissez-vous entraßner dans un voyage à travers les sujets les plus brûlants et les histoires que vous ne voudrez pas manquer.

Dans ce magazine