Les soignants ne demandent pas à être applaudis, mais respectés
Les agressions contre les prestataires de soins représentent un problème complexe. Pour le résoudre, il faut que le secteur des soins de santé lui-même, les décideurs politiques, les entreprises, les médias et, bien sûr, les patients et les citoyens prennent des mesures.
Mark De Ridder, directeur général d'UZ Brussel
Ce jeudi 26 juin au matin, une conférence de presse sur les agressions contre les prestataires de soins de santé a eu lieu dans notre hôpital, organisée par l'Institut Vias et en présence du ministre fédéral de la Santé publique, Frank Vandenbroucke.
On pourrait penser qu'il s'agit d'une réaction aux événements de la semaine dernière, mais cette conférence était prévue de longue date. Le fait que de nouvelles agressions se soient produites entre-temps souligne douloureusement à quel point cette question reste d'actualité.
Des vagues d'indignation
Ce qui s'est passé à l'hôpital St Peter la semaine dernière a indigné l'opinion publique. Mais aussi sincère que soit cette l'indignation, elle s'estompe au bout d'un certain temps. Sans action, rien ne change et l'on attend tristement le prochain incident.
Tandis que les médias se concentrent sur d'autres sujets, les professionnels de la santé restent dans la peur, la frustration et le sentiment d'injustice - à l'hôpital Saint-Pierre, mais aussi dans d'autres établissements.
Sous la peau
Dans notre service infirmier également, je vois et je ressens à quel point ce genre d'événement est difficile à supporter. Une collègue infirmière urgentiste l'exprimait récemment avec beaucoup de justesse dans une lettre ouverte pleine de sincérité publiée sur Facebook à l'adresse de nos responsables politiques. J'estime qu'il est de mon devoir, en tant que CEO, de renforcer son message. Il ne faut pas que l'indignation s'estompe à nouveau sans conséquence.
Que pouvons-nous faire, que devons-nous faire ?
En tant qu'enfant d'un foyer qui prône la tolérance, l'inclusion et l'ouverture, je veux me prémunir des conclusions rapides et des généralisations. Les déclarations simplistes et les slogans faciles font mouche, mais ne nous aident pas dans cette situation. Au contraire.
Il s'agit d'un problème complexe impliquant de nombreux facteurs. C'est pourquoi nous devons travailler et unir nos forces sur plusieurs fronts à la fois : le secteur des soins de santé lui-même, les décideurs politiques, les entreprises, les médias et, bien sûr, les patients et les citoyens.
Le visage humain
Tout d'abord, les agressions contre les prestataires de soins de santé ne devraient pas exister. La prévention doit donc être au cœur de tout plan d'action - mieux vaut prévenir que guérir.
Sur quoi les actions de prévention peuvent-elles porter ? Sur l'importance d'un traitement respectueux du personnel de soins et d'assistance, par exemple. Chaque année, nous organisons des campagnes sur des sujets médicaux : l'utilisation correcte des antibiotiques, l'importance de la vaccination, etc. Mais ne devrions-nous pas aussi parler de la personne qui prodigue les soins ? Si celle-ci disparaît, il n'y a plus de soins....
Par ailleurs, les campagnes ne sont pas seulement l'affaire des pouvoirs publics. Le secteur des soins et les entreprises doivent prendre le train en marche. Et en tant qu'individus, vous faites chaque jour la différence par votre attitude et votre comportement.
Et les médias ? Ils ont un rôle clé à jouer.
Les faits marquants, négatifs ou positifs, font la une des journaux. L'agression au couteau à l'hôpital Saint-Pierre en est un exemple. Tout comme les applaudissements en soirée pour le personnel de santé lors de la pandémie de coronavirus.
Il devrait également y avoir de la place pour des histoires moins sensationnelles : sur les interactions respectueuses entre patients et prestataires, sur la démocratie, sur l'inclusion.... Même si elles ont moins de valeur pour les médias, elles ont une valeur sociale à revendre.
Culture d'ouverture
La prévention résoudra-t-elle tout ? Malheureusement, non, quelles que soient les ressources que nous y consacrons.
Nous avons également besoin d'une politique de tolérance zéro à l'égard des auteurs d'agressions, qui s'appuie sur des sanctions rapides, décisives et justes.
Un soutien ciblé est également nécessaire pour le personnel de santé. Sur le fond, par le biais de formations, de lignes directrices et de réunions entre pairs. Physiquement, avec du personnel de sécurité et des outils technologiques. Et mentalement, par une culture d'ouverture permettant de discuter des doutes et des craintes.
Les victimes d'agression ne devraient jamais avoir à s'inquiéter du coût de leur rétablissement : l'aide juridique et les conseils psychologiques devraient être gratuits.
Une approche décisive
Avant tout, un changement de mentalité s'impose. L'agression mérite plus qu'une indignation passagère. Ce problème nécessite une approche audacieuse, avec davantage de recherches structurelles et à grande échelle, comme celles de l'institut Vias. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons vraiment comprendre le problème et le combattre de manière ciblée.
L'agression à Bruxelles doit-elle approchée différemment de celle de l'Ardenne ou de la côte ? Cela paraît logique, mais nous avons besoin d'une vision basée sur des données, et non sur l'intuition. Mieux nous comprenons ce qui se passe, mieux nous pouvons agir de manière ciblée. Les données sauvent des vies.
La liste des actions et des ambitions est longue. Certaines sont réalisables à court terme, d'autres nécessiteront davantage de temps et d'efforts. Mais ce qui compte, c'est que nous démarrions. Pour que les prestataires de soins de santé ne se retrouvent pas seuls une fois l'indignation retombée.