Les femmes victimes de "stalk" plus à risque de maladies cardiaques et d'AVC
Selon une nouvelle étude publiée dans la revue Circulation, les femmes ayant subi un harcèlement obsessionnel ou ayant obtenu une ordonnance de restriction étaient plus susceptibles de développer des maladies cardiaques et des AVC que celles qui n’avaient pas été confrontées à ces situations.

Les femmes qui ont déclaré avoir été victimes de harcèlement obsessionnel (plus vulgairement connu sous l'appellation anglophone "stalk") ou qui ont obtenu une ordonnance de restriction étaient, chacune, plus susceptibles de subir une crise cardiaque et/ou un AVC au cours des années suivantes à ces faits, par rapport à celles qui ne l’avaient pas été, selon de nouvelles recherches publiées aujourd’hui dans la revue phare de l’American Heart Association, Circulation.
« Bien que la violence à l’égard des femmes soit fréquente et que les preuves aient établi un lien entre cette violence et des conséquences sur la santé cardiaque des femmes à long terme, elle n’est toujours pas largement reconnue ni systématiquement prise en compte par les professionnels de santé comme un facteur de risque cardiovasculaire potentiel chez les femmes », a déclaré l’auteure de l’étude, Rebecca B. Lawn, Ph.D., chercheuse associée en épidémiologie à la Harvard T.H. Chan School of Public Health à Boston et à l’École de santé publique et de santé des populations de l’Université de la Colombie-Britannique, à Vancouver, au Canada. « Nous avons estimé qu’il était essentiel d’aller au-delà des facteurs de risque cardiovasculaires traditionnels chez les femmes et de renforcer notre compréhension de la relation entre des formes de violence encore peu étudiées et la santé cardiaque. »
Une étude sur plus de 66.000 femmes
Environ une femme sur trois a été victime de harcèlement obsessionnel à un moment de sa vie, selon les données sur la violence conjugale recueillies par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) aux États-Unis. L’étude souligne que les formes courantes de violence à l’égard des femmes, comme le harcèlement obsessionnel, sont rarement abordées dans la recherche cardiovasculaire. Les précédents travaux de Rebecca B. Lawn ont établi un lien entre l’agression sexuelle et le harcèlement au travail avec une tension artérielle plus élevée chez les femmes. D’autres études indiquent que les personnes qui ont obtenu une ordonnance de restriction sont plus susceptibles de présenter un état de santé plus fragile.
« Le harcèlement obsessionnel est souvent perçu comme une forme de violence n’impliquant pas de contact physique, ce qui peut le faire paraître moins grave » - Rebecca B. Lawn
Les chercheurs ont analysé le lien entre le harcèlement obsessionnel, les ordonnances de restriction et le développement de maladies cardiaques ou d’AVC chez les participantes à l’étude Nurses’ Health Study II, de 2001 à 2021. L’analyse porte sur des données concernant plus de 66.000 femmes, âgées en moyenne de 46 ans en 2001. Ces femmes ne présentaient pas de maladie cardiovasculaire en 2001, moment où elles ont indiqué pour la première fois si elles avaient été victimes de harcèlement obsessionnel ou de comportements de harcèlement (comme le fait de recevoir des messages non sollicités) qui les avaient effrayées. L’étude a également demandé si les participantes avaient « déjà obtenu » une ordonnance de restriction, ce document juridique qui vise à limiter les contacts entre une victime et son agresseur. L’obtention d’une ordonnance de restriction a été considérée comme un signe de violence grave.
L’analyse a révélé plusieurs éléments :
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Au total, près de 12 % des femmes de l’étude ont déclaré avoir été victimes de harcèlement obsessionnel, tandis qu’environ 6 % ont indiqué avoir obtenu une ordonnance de restriction ;
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Environ 3 % de l’ensemble des femmes étudiées ont signalé l’apparition de maladies cardiaques ou d’AVC au cours des 20 années de l’étude ;
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Par rapport aux femmes qui n’avaient pas été harcelées, celles qui ont déclaré avoir été victimes de harcèlement obsessionnel étaient 41 % plus susceptibles de souffrir d’une maladie cardiovasculaire ;
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Les femmes ayant obtenu une ordonnance de restriction étaient 70 % plus susceptibles de déclarer une maladie cardiovasculaire que celles qui n’en avaient pas obtenu ;
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De même, les femmes dont les dossiers médicaux confirmaient une crise cardiaque ou un AVC étaient plus susceptibles de s'être déclarées harcelées dans le passé ou avoir obtenu une ordonnance de restriction ;
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Les risques accrus de crise cardiaque et d’AVC associés au harcèlement obsessionnel et aux ordonnances de restriction persistaient même après la prise en compte d’autres facteurs de risque cardiovasculaires autodéclarés, tels que les comportements liés à la santé et au mode de vie, les médicaments, les problèmes de santé, les antécédents de maltraitance durant l’enfance et les symptômes dépressifs.
« Le harcèlement obsessionnel est souvent perçu comme une forme de violence n’impliquant pas de contact physique, ce qui peut le faire paraître moins grave », a déclaré Rebecca B. Lawn. « Cependant, nos résultats suggèrent qu’il ne faut pas le minimiser. Le harcèlement obsessionnel peut être chronique, et les femmes déclarent souvent apporter des changements importants en réaction, comme le fait de déménager. »
L'importance des personnes de confiance
Harmony R. Reynolds, M.D., FAHA, ancienne présidente du Clinical Cardiology & Stroke Women’s Health Science Committee de l’American Heart Association, a indiqué avoir été surprise par la forte association mise en évidence par cette étude entre le harcèlement obsessionnel et les maladies cardiovasculaires.
« Diverses expériences de vie stressantes sont connues pour augmenter le risque de maladie cardiovasculaire, notamment les expériences défavorables vécues dans l’enfance, les difficultés financières, le deuil et d’autres épreuves », a-t-elle déclaré. « Les personnes victimes de violence conjugale présentent environ 30 % de risque en plus de développer une maladie cardiovasculaire dans les années qui suivent, par rapport aux autres. Bien que cette étude montre un risque plus modéré, compte tenu de la longue période étudiée, elle met en évidence la façon dont le sentiment d’insécurité peut affecter le corps, en plus de l’esprit. »

Harmony R. Reynolds, professeure de cardiologie à la Joel & Joan Smilow et directrice du Sarah Ross Soter Center for Women’s Cardiovascular Research à la NYU Grossman School of Medicine (New York), n’a pas participé à cette recherche et souligne que les effets du stress peuvent durer longtemps. « C’est peut-être dans notre nature de repenser aux événements que nous avons vécus, ce qui nous amène à revivre la situation encore et encore. Cependant, le soutien social peut atténuer les effets du stress. Il est utile d’avoir des personnes de confiance à qui parler, qu’il s’agisse de la famille, d’amis, de membres de la communauté ou de professionnels », a-t-elle déclaré.
Les auteurs de l’étude notent que le lien entre le harcèlement obsessionnel et les maladies cardiovasculaires pourrait être dû à la détresse psychologique, susceptible de perturber le système nerveux, le bon fonctionnement des vaisseaux sanguins et d’autres processus biologiques. Toutefois, ces mécanismes potentiels n’ont pas été examinés en détail dans cette étude.
Rebecca B. Lawn a déclaré qu’il fallait davantage de recherches ainsi qu’une formation des professionnels de santé pour comprendre le lien entre le harcèlement obsessionnel, l’obtention d’une ordonnance de restriction et la santé cardiovasculaire des femmes. « Nous devons également sensibiliser davantage aux effets potentiellement nocifs de la violence sur la santé et fournir aux femmes de l'aide et des ressources », a-t-elle ajouté.
Limites de l'étude
Parmi les limites de l’étude, on note que les participantes — des infirmières diplômées exerçant aux États-Unis — étaient majoritairement des femmes blanches non hispaniques. Les résultats pourraient ne pas s’appliquer à d’autres populations ou groupes. L’étude précise que des recherches antérieures ont indiqué que « les antécédents de violence, y compris le harcèlement obsessionnel, sont plus fréquents chez les femmes issues de minorités raciales ou ethniques et chez celles à faible revenu ». De plus, l’étude repose sur les déclarations des participantes concernant leur expérience du harcèlement obsessionnel et des ordonnances de restriction.