JM Academy - Syndromes gastro-intestinaux
L’approche diagnostique du syndrome SII-like (I)
Un syndrome SII-like est un ensemble de symptômes qui peuvent (aussi) correspondre à toute une série d'autres affections. Que faut-il pour affirmer qu’il s’agit bien d’un syndrome de l’intestin irritable chez un patient qui présente un syndrome SII-like ?

Lorsqu'un patient présente des douleurs abdominales chroniques et des selles anormales (diarrhée, constipation ou une alternance des deux), la question à se poser est la suivante : ce syndrome SII-like renvoie-t-il à un problème organique ou à un problème fonctionnel ? En d'autres termes, les examens complémentaires permettront-ils d'identifier des anomalies sur lesquelles le traitement devra être axé ? Ou les examens complémentaires ne révéleront-ils aucune anomalie et le diagnostic reposera-t-il uniquement sur le tableau clinique ?
Les troubles fonctionnels, particulièrement fréquents en gastro-entérologie
Pour rappel, un trouble fonctionnel est un tableau où des symptômes spécifiques sont présents et peuvent être saisis par des critères diagnostiques, mais où l'examen standard ne révèle aucune anomalie.

D'ailleurs, le terme « trouble fonctionnel » est progressivement abandonné dans la littérature parce qu'il est assez vague. De plus en plus, du moins en gastro-entérologie, on parle de trouble de l'interaction intestin-cerveau (TIIC). Ce terme couvre mieux ce qu’il représente et indique une communication perturbée entre le cerveau et le système gastro-intestinal, entraînant une sensibilité accrue aux signaux de douleur.
« Les troubles fonctionnels ne sont pas rares », relève le Pr Heiko De Schepper du service de gastro-entérologie de l’UZA. « La moitié des patients qui se présentent à la consultation de gastro-entérologie - c'est-à-dire dans une population déjà sélectionnée - finiront par recevoir un diagnostic fonctionnel. »
Dans un syndrome SII-like, il est important pour le patient d'ouvrir suffisamment tôt la perspective d'un diagnostic fonctionnel.
Sur base de la clinique, on peut déjà soupçonner, dans une certaine mesure, si le diagnostic le plus probable est d’ordre organique ou fonctionnel. Les troubles fonctionnels:
- Se manifestent surtout chez les jeunes patients (< 45 ans), alors que les personnes atteintes d'une pathologie organique ont tendance à être plus âgées (> 45 ans) ;
- Sont plus fréquents chez les femmes (du moins dans la population de type caucasien), alors que la pathologie organique est aussi fréquente chez les hommes que chez les femmes ;
- S'accompagnent de symptômes peu spécifiques, et non pas uniques mais multiples. Les plaintes sont diffuses et la douleur est très souvent au premier plan. Le patient est souvent incapable de dire exactement quand les symptômes sont apparus ;
- S'accompagnent souvent d'autres syndromes fonctionnels: reflux gastro-œsophagien fonctionnel, dyspepsie, dysfonctionnement du plancher pelvien, fibromyalgie, etc ;
- S'accompagnent plus souvent de problèmes psychologiques: anxiété, dépression, stress chronique... ;
- S'accompagnent le plus souvent d'une intolérance alimentaire et/ou médicamenteuse. Par exemple, on peut commencer à administrer un analgésique ou un spasmolytique et le patient n'en ressent que plus de douleur ;
- Suscitent souvent une frustration chez le médecin et chez son patient car les examens ne révèlent aucune anomalie et l'effet du traitement est très variable d'une personne à l'autre, alors qu'il est relativement prévisible dans le cas d'une pathologie organique.
Il est important de garder ces aspects à l'esprit afin d'ouvrir au patient la perspective d'un diagnostic fonctionnel à temps. « Si, après un certain nombre d'examens techniques, le médecin annonce qu'il n'a rien trouvé et évoque donc le diagnostic de trouble fonctionnel, son patient risque de perdre confiance et de réclamer encore plus d’examens complémentaires », prévient Heiko De Schepper.
Le SII est bénin, mais...
Avec une prévalence estimée à 10 % au niveau mondial, le syndrome de l'intestin irritable est le diagnostic le plus courant chez les patients souffrant d'un syndrome SII-like. Le SII est deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. Tout comme pour d'autres troubles fonctionnels, les patients sont généralement jeunes lorsqu’ils viennent consulter.
Le SII est bénin et même souvent perçu comme banal, mais son impact économique sur la santé n'est pas négligeable car la démarche diagnostique s'accompagne souvent d'une surconsommation d'examens complémentaires coûteux (imagerie, endoscopie, etc.). De plus, la réponse thérapeutique étant variable d'un patient à l'autre, plusieurs traitements doivent souvent être prescrits avant d'obtenir un résultat satisfaisant.
Enfin, un point à ne pas sous-estimer est que les symptômes peuvent être invalidants et donc conduire à l'absentéisme scolaire ou professionnel, ainsi qu’au présentéisme (l'employé se rend au travail mais ne peut pas y développer tout son potentiel).
L'axe intestin-cerveau est au cœur de la physiopathologie du SII. Il permet à l'intestin et au cerveau de communiquer entre eux par le biais de diverses modalités, telles que la transmission neuronale ou hormonale. Au niveau cérébral, le dysfonctionnement de l'axe intestin-cerveau peut être déclenché par un traumatisme psychologique grave.
En outre, les études ont révélé plusieurs facteurs susceptibles de contribuer à l’apparition du syndrome de l’intestin irritable au niveau de l'intestin. Par exemple, la littérature fait référence à un microbiome intestinal anormal (dysbiose).
Les patients souffrant d’un SII présentent une perméabilité intestinale accrue, ce qui active les cellules inflammatoires (y compris les mastocytes) dans les couches sous-épithéliales. Les substances qu’elles libèrent excitent les terminaisons nerveuses de la paroi intestinale, ce qui, à terme, accroît la sensibilité et la motilité de l'intestin.
Le renforcement de la signalisation vers le cerveau qui en résulte finit par provoquer une hypersensibilité cérébrale aux signaux provenant de l'intestin. « L'ensemble du mécanisme devient autonome, de sorte que le stimulus initial au niveau de l'intestin n'est plus nécessaire pour provoquer la perception de la douleur dans le cerveau », explique Heiko De Schepper.
Certains patients présentent une malabsorption des acides biliaires, ce qui entraîne des quantités excessives d'acides biliaires dans le côlon, débouchant sur de la diarrhée et des douleurs. On peut affirmer que l'alimentation est un élément déclencheur de l'apparition des symptômes, mais pas une cause du SII.
Pas un diagnostic d’exclusion
Le diagnostic du SII est souvent qualifié de complexe. « Il y a plusieurs raisons à cela », indique Heiko De Schepper. « Comme il s’agit d’un trouble fonctionnel, il n'existe pas de marqueurs biologiques. »
« En outre, les symptômes tels que les douleurs abdominales, la diarrhée et la constipation sont peu spécifiques et la symptomatologie est hétérogène: chez certains patients, les symptômes sont déclenchés uniquement par le stress, chez d'autres que par l'alimentation, etc. »
« Les malentendus chez les médecins jouent également un rôle, comme l'idée que le syndrome de l’intestin irritable serait un diagnostic d'exclusion. Ce n'est pas le cas : des critères diagnostiques existent, mais ils sont encore sous-utilisés dans la pratique. »
« Enfin, je mentionne également la communication avec le patient, qui a du mal à accepter le diagnostic de trouble fonctionnel. Le patient attend du médecin qu'il lui révèle un trouble organique bien défini. D'où le conseil déjà mentionné plus haut d'évoquer un trouble fonctionnel à temps. »
Le diagnostic de SII est établi sur la base des critères de Rome IV :
Douleur abdominale récurrente, d'une durée moyenne d'au moins un jour par semaine au cours des trois derniers mois, et associée à deux des critères suivants:
- Les symptômes s’atténuent ou se renforcent après la défécation ;
- Modification de la fréquence des selles ;
- Modification de la consistance des selles.
Ces critères doivent avoir été rencontrés au cours des trois derniers mois, et les symptômes doivent être apparus au moins six mois avant le diagnostic.
Sous-types et symptômes moins spécifiques
Les patients porteurs d’un SII sont répartis par sous-type : constipation dominante, diarrhée dominante ou profil mixte (le patient passe de la constipation à la diarrhée ou vice-versa). L'échelle de Bristol est un outil visuel qui répartit la consistance des selles en sept types, entre constipation et diarrhée. Les pictogrammes qu’elle comporte aident les patients à décrire leur transit intestinal.
Un certain nombre de symptômes sont moins spécifiques, mais ils sont présents chez de nombreux patients et peuvent orienter le traitement :
- Ballonnement ressenti : le patient a la sensation d'un abdomen gonflé, bien que cela ne soit pas nécessairement objectivement mesurable ;
- Distension abdominale : gonflement objectivement mesurable de l'abdomen ;
- Nausées, fatigue ...
Rappelons enfin, comme signalé plus haut, que le syndrome de l’intestin irritable recoupe également d'autres syndromes fonctionnels. L'article suivant aborde plus en détail les modalités de l'examen clinique et l'utilité (ou non) d’examens complémentaires.
En collaboration avec le Centrum Huisartsgeneeskunde (CHA) de l'UAntwerpen.
Objectifs d'apprentissage
La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec :
- La définition du syndrome SII-like ;
- Le caractère fonctionnel ou organique du diagnostic chez les patients souffrant d'un syndrome SII-like ;
- La description et les caractéristiques du trouble fonctionnel ;
- La pathogenèse du SII et ses implications pour la santé ;
- Les critères diagnostiques Rome IV ;
- Les sous-types de SII.
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