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Le nouveau krach de Ferrari !

Il s’agit bien d’un krach boursier et non d’un crash automobile : l’action du prestigieux constructeur de Maranello a chuté de plus de 22 % en quatre jours. Pourtant, c’est tutto bene au niveau des marges et du bénéfice. Alors ? La croissance est revue à la baisse et les investisseurs le prennent mal. D’autres actions de grande qualité ont déjà vécu cela. Quand elles sont chères, elles sont vulnérables !

Ferrari bourse NY
© GettyImages

Petite parenthèse pour commencer et pour éviter toute équivoque : souvent confondus, les mots crash et krach sont totalement différents. Le mot anglais crash désigne un accident, surtout automobile ou aéronautique. Le mot krach est, lui, d’origine allemande et est réservé à la finance. Il n’est utilisé que pour des chutes sévères… et tel fut bien le cas de l’action Ferrari : - 15,5 % le 9 octobre et -22,4 % en quatre séances boursières. Ce n’est pas la première fois qu’un tel accident se produit : l’action avait déjà perdu près de 12 % le 31 juillet. De pareils écarts sont, on l’a compris, exceptionnels pour une entreprise réputée de grande qualité. Que s’est-il passé ?

Le V12 tourne au ralenti

La chute de la fin juillet avait pour origine la publication de résultats jugés un peu mous par les analystes. Celle du mois dernier a une cause que l’on pourrait qualifier de plus fondamentale : une révision à la baisse des perspectives de croissance pour les prochaines années. L’entreprise a annoncé un chiffre d’affaires de l’ordre de 7,1 milliards d’euros pour l’exercice en cours, un chiffre revu à la hausse… mais inférieur aux attentes du marché. Et si l’objectif d’arriver à 9 milliards en 2030 peut sembler ambitieux, il se situe lui aussi en-dessous de ce qu’attendaient les analystes. Ceux-ci tablaient sur une croissance annuelle de l’ordre de 7 % et la direction annonce 5 %. Plus significatif est le repli des prévisions en ce qui concerne les modèles électriques : ils ne représenteront que 20 % du total en 2030, soit la moitié de ce qui fut annoncé naguère.

Il est peu probable que ceci émeuve les puristes autant que les analystes… La marque au cheval cabré et aux fameux moteurs V12 n’est en tout cas pas en panne de commandes ! Le carnet est complet pour 2026 et 2027 et, de l’avis général, Ferrari pourrait produire sensiblement plus. Le patron Benedetto Vigna veut toutefois jouer la prudence en n’augmentant cette production que de manière très raisonnée, d’autant que cela ne porte nullement atteinte au bénéfice. À preuve : la production de 2024 se montait à 13.752 voitures, un chiffre quasiment identique à celui de 2023. Cela n’a pas empêché le bénéfice de bondir de 21 % ! A l’instar d’autres marques de luxe comme Hermès ou Louis Vuitton (membre du groupe LVMH), Ferrari se distingue par une marge brute très élevée, de l’ordre de 30 %. Car, comme eux, le constructeur automobile entretient la rareté, synonyme de désir. Le fondateur Enzo Ferrari déclarait à ce sujet : « Nous vendrons toujours une voiture de moins de ce que demande le marché ».

La syncope des divas…

En dépit d’une image fabuleuse et d’une situation financière qui l’est tout autant, Ferrari signe cette année un parcours boursier aussi teinté de rouge que ses voitures : au lendemain de sa dégringolade d’octobre, l’action était en baisse de quelque 15 % depuis le début de l’année, contre une hausse de près de 22 % pour la bourse de Milan. En cause, comme signalé plus haut : une croissance inférieure aux attentes. Car si la croissance n’est pas la priorité première de Ferrari, c’est bien elle qui fait la loi en bourse. C’est logique : on paie évidemment plus cher pour une entreprise dont les bénéfices progressent de 10 ou 15 % par an que pour une autre dont les profits s’apprécient plus modestement de 5 %. La cherté de ces actions n’est toutefois plus justifiée quand la croissance faiblit. Et c’est le plongeon ! Cette année 2025, qui est globalement un bon cru boursier en Europe, a ainsi déjà connu plusieurs accidents spectaculaires dans le chef d’entreprises pourtant prestigieuses.

« Nous vendrons toujours une voiture de moins de ce que demande le marché »
- Enzo Ferrari

Le groupe LVMH, numéro 1 mondial du luxe, s’est écrasé à moins de 440 euros en juin dernier, avant de se reprendre assez vigoureusement. Il avait dépassé la barre des 900 euros en avril 2023, ce qui induit une chute de moitié en un peu plus de 2 ans. Même son confrère Hermès, que l’on jugeait beaucoup plus résilient, a vécu un fameux trou d’air cette année : plus de 2.700 euros en février et moins de 2.100 euros à plusieurs reprises ces derniers mois.

… et du Biscoff

Point n’est toutefois besoin d’aller chercher outre-Quiévrain ou dans la Péninsule pour trouver un exemple de chute boursière d’une action vedette suite à un avertissement sur la croissance. La bourse de Bruxelles recèle également un cas spectaculaire sur le terrain beaucoup plus modeste du spéculoos… pardon : Biscoff. La prodigieuse croissance de cette PME devenue un géant international du biscuit avait été dignement saluée par une formidable envolée de cours, l’action signant un sommet à 12.580 euros à la fin 2024. Le cours s’effrite ensuite progressivement et chute à l’annonce des résultats 2024. Les ventes ont progressé de 15,9 %, ce qui est confortable… sauf que la hausse était de 19,6 % au premier semestre. Elle a donc fameusement ralenti au deuxième !

Le patron de la société explique : « Nous ne pouvons pas croître plus vite, car nous n’avons pas les capacités nécessaires ». L’action Lotus Bakeries vivote en mars et avril aux environs de 8.000 euros, en chute de 35 % en un semestre. Après voir fait mine de se reprendre, elle rechute plus bas encore en juillet et revient depuis aux alentours de 8.000 euros, n’arrivant pas à décoller en dépit de plusieurs développements positifs…

C’est une leçon à retenir pour tout investisseur : une action très chère dans l’absolu, c’est-à-dire affichant un rapport cours/bénéfice de 30 ou même 50 (contre 16 pour la bourse européenne dans son ensemble) n’est pas pour autant trop chère si c’est en rapport avec la qualité de l’entreprise et surtout sa croissance. Mais que cette dernière s’essouffle soudain, ou inquiète simplement, et c’est le plongeon. Aucun secteur ni aucune action n’est à l’abri d’un petit ou même gros accident. Il est vrai que les investisseurs belges en sont bien conscients depuis l’effondrement de l’action Fortis, ténor d’un secteur bancaire que l’on croyait inoxydable…

Oui, le fisc peut utiliser des preuves irrégulières !

Dans le domaine fiscal, les «nouveautés» annoncées durant l’année 2025 ne se résument pas à la taxe sur les plus-values évoquée dans le dernier numéro, ni au lancement de la DLU 5. On ne saurait en effet oublier l’arrêt rendu public le 19 juin par la Cour de cassation. Fort logiquement passé inaperçu de la plupart des citoyens, il a par contre vivement interpellé le monde des fiscalistes. La Cour de cassation qui, il faut le souligner, juge la forme et non le fond, affirme dans cet arrêt que le fisc peut utiliser les preuves «recueillies en violation des règles de procédure», communément qualifiées de preuves irrégulières. Voilà qui semble violent… et l’est de l’avis des avocats fiscalistes.

En réalité, ce n’est pas vraiment une révolution. Ce qu’on appelle la « jurisprudence Antigone » va de longue date dans le même sens. Elle trouve son origine dans un arrêt de la même Cour de cassation datant de 2003 et fut surtout confortée par un autre arrêt, datant de 2015. Depuis, observent les avocats fiscalistes, l’usage de ces preuves irrégulières s’est plutôt élargi, en dépit des trois conditions strictes mises à cet usage, notamment le respect du droit à un procès équitable.

Conditions strictes, mais finalement floues dans leur interprétation. Et d’autant plus floues que les tribunaux prennent régulièrement des décisions contradictoires à ce sujet. Il arrive fréquemment que, dans des affaires quasiment identiques, certains donnent raison au fisc et d’autres au contribuable qui conteste. Plus fort : on retrouve cette même contradiction entre les chambres francophone et néerlandophone de la Cour de cassation. Le fait marquant de l’arrêt du 19 juin est dès lors qu’il fut signé par les deux. Et aussi qu’il fut pris à l’encontre de l’avis de l’avocat général, lequel estimait que la jurisprudence Antigone violait la Constitution. Voilà qui n’est pas anodin !

Le contribuable doit-il s’en inquiéter ? Pas vraiment dans la mesure où, comme évoqué ci-dessus, ceci ne fait qu’entériner une situation qui prévaut déjà assez largement. Pourtant, comment ne pas imaginer que les tribunaux pourraient y trouver encouragement à donner plus souvent raison au fisc ? Deux arguments rassurants sont avancés par les avocats. D’une part, ces tribunaux peuvent clairement ne pas suivre la Cour de cassation et peuvent même ne pas le souhaiter ! D’autre part, la jurisprudence Antigone reste l’exception et ne pourra jamais violer des principes de base comme l’inviolabilité du domicile, par exemple.

G.L.

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Écrit par Guy Legrand3 novembre 2025

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