Changement climatique
Les conditions météorologiques extrêmes sont aussi une crise sanitaire
Dans une lettre ouverte adressée aux gouvernements et institutions de santé des 53 États membres de l’OMS-Europe, la Commission paneuropéenne pour le climat et la santé appelle à une action urgente. « Les conditions météorologiques extrêmes dans la région européenne constituent une crise sanitaire, et pas seulement un problème climatique », affirme-t-elle.
Filip Ceulemans
La Commission, organe consultatif indépendant créé à la demande de Hans Kluge, directeur régional de l’OMS-Europe, a pour mission de renforcer la prise de conscience et le soutien à une réponse claire face aux enjeux climatiques. Dans sa lettre, elle prévient : « Les phénomènes météorologiques extrêmes que nous connaissons ne sont plus une menace lointaine ni un simple désagrément saisonnier. C’est une crise de santé publique qui se déroule en temps réel. »
Canicules records et conséquences sanitaires
Les vagues de chaleur record sont plus fréquentes, plus intenses et plus meurtrières dans une grande partie de l’Europe. « Ces canicules sont des tueurs silencieux », note la Commission, rappelant que leurs effets se traduisent souvent dans les statistiques par des décès dus à des AVC, des infarctus ou des troubles respiratoires. Les populations vulnérables sont particulièrement exposées. Les impacts se manifestent à court terme mais aussi sur la durée : troubles de la santé mentale, baisse de productivité, pertes agricoles, hausse des coûts énergétiques et pression sur les infrastructures.
Au cours des vingt dernières années, la mortalité liée à la chaleur a augmenté d’environ 30 %. En 2022 et 2023, plus de 100 000 décès dus à la chaleur ont été enregistrés dans 35 pays européens. En juin 2025, l’Europe de l’Ouest a connu son mois le plus chaud jamais mesuré, avec deux vagues de chaleur sévères avant même le début officiel de l’été. Le réchauffement contribue aussi à la propagation de maladies auparavant rares en Europe : entre 2022 et 2024, les cas de dengue dans l’UE ont augmenté de 368 %.
Pression sur les hôpitaux et le personnel soignant
Les vagues de chaleur provoquent un afflux de patients aux urgences pour des pathologies cardiaques, pulmonaires et rénales. Elles aggravent aussi l’anxiété, réduisent la qualité du sommeil et affectent les fonctions cognitives. Les personnes souffrant de troubles psychiques sont plus à risque de coup de chaleur, en partie à cause de médicaments qui perturbent la régulation thermique. Les soignants eux-mêmes sont exposés à l’épuisement dû à la chaleur et au burn-out.
"Ce n'est pas le moment de tergiverser. Il faut une action immédiate. "
La Commission insiste : « Ce n’est pas le moment de tergiverser. Il faut une action immédiate. » Elle plaide pour des plans chaleur-santé efficaces, capables de protéger les plus vulnérables et de soulager les hôpitaux, et dont la mise en œuvre rapide est « une nécessité, pas un luxe ».
Santé, climat et économie : des liens indissociables
La Commission rappelle que la crise climatique est aussi une crise sanitaire et qu’agir pour le climat, c’est agir pour la santé. La pollution de l’air provoque chaque année plus de 500.000 décès prématurés dans la région européenne, en grande partie à cause de la combustion des énergies fossiles.
Certaines mesures climatiques offrent des bénéfices rapides : moins d’émissions, c’est un air plus pur et potentiellement plus de cinq millions de vies sauvées dans le monde. Plus d’espaces verts en ville réduit le stress thermique, améliore la santé mentale, diminue les coûts énergétiques et capte le CO₂. Une augmentation de 30 % des zones vertes urbaines pourrait réduire de 40 % la mortalité liée à la chaleur.
Repenser la notion de progrès
Ces solutions sont non seulement bénéfiques pour la santé publique mais aussi économiquement rentables. Cependant, « les systèmes économiques actuels ne valorisent pas la prévention », déplore la Commission. Le PIB, par exemple, peut croître lorsque des hôpitaux soignent des victimes d’incendies, mais il ne prend pas en compte les souffrances humaines ou les coûts à long terme. La Commission appelle donc à adopter de nouveaux indicateurs intégrant santé, bien-être, justice et durabilité.
Elle conclut : « Nous plaidons pour des solutions réalisables, abordables et équitables. Dans les mois à venir, nous publierons des recommandations intersectorielles pour lutter contre la crise climatique et protéger la santé publique. »