Santé mentale
MIND10, dix priorités pour une recherche plus proche du terrain
Le Fonds pour la recherche en santé mentale, géré par la Fondation Roi Baudouin, a dévoilé les dix priorités de recherche identifiées dans le cadre du projet MIND10, mené avec la KU Leuven. Objectif : mieux relier la recherche scientifique aux besoins réels des patients, des proches et des soignants, dans un domaine encore trop sous-financé.
Malgré son impact majeur sur la santé publique, la santé mentale demeure largement sous-financée à l’échelle mondiale. Selon le rapport Bridging Gaps in Mental Health publié par la Fondation Roi Baudouin (FRB) 1, seuls 7,4 % des fonds consacrés à la recherche médicale sont attribués à ce domaine, soit environ 50 centimes par personne et par an.
Les auteurs constatent également de fortes disparités internes. La majeure partie des ressources est orientée vers la dépression et les troubles liés à l’usage de substances, tandis que des pathologies à fort impact social comme l’automutilation, les troubles alimentaires ou de la personnalité restent peu étudiées.
Autre déséquilibre pointé : plus de la moitié des budgets sont alloués à la recherche fondamentale – génétique, imagerie cérébrale, neurobiologie – dont les retombées cliniques sont souvent lointaines. À l’inverse, la recherche appliquée sur la prévention, la détection précoce, les soins, le rétablissement et l’organisation des services demeure marginale.
La situation belge ne diffère guère. L’analyse bibliographique conjointe de la KU Leuven et de l’Université de Leiden, citée dans le rapport, révèle une orientation similaire : les projets de recherche menés en Belgique privilégient la dépression et les addictions, au détriment des troubles de la conduite, des comportements suicidaires ou de l’anxiété sévère, encore sous-représentés dans les travaux scientifiques nationaux.
MIND10, un modèle participatif inédit
Le projet MIND10, porté par le Fonds pour la recherche en santé mentale et le Centre de psychiatrie contextuelle de la KU Leuven, s’inspire de la méthode britannique de la James Lind Alliance, développée au sein du National Institute for Health and Care Research (NIHR) du NHS. Ce modèle vise à établir des priorités de recherche à partir d’un dialogue structuré entre patients, proches, cliniciens et chercheurs.
« Écouter la voix des parties prenantes et faciliter la conversation entre elles semble aller de soi. En pratique, de tels échanges, qui confrontent différents points de vue et intérêts, sont rarement organisés », souligne le rapport de la FRB.
Entre février et juin 2025, 60 représentants issus d’organisations de patients, de familles et de professionnels de santé ont été recrutés. Ils ont soumis 769 questions de recherche. Après une phase de sélection et trois ateliers mixtes, ces propositions ont été ramenées à 24 questions, puis à un Top 10 final.
Ce processus collaboratif, fondé sur la co-construction, vise à « rendre la recherche plus pertinente socialement » et à « utiliser les ressources de manière plus efficace », selon les auteurs.
Les dix priorités retenues
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Développer des programmes de prévention accessibles et efficaces, ciblant particulièrement les groupes socialement vulnérables.
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Renforcer la collaboration entre les soins informels et professionnels, pour une détection précoce des troubles psychiques.
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Améliorer la détection et le traitement des troubles psychiques chez les personnes âgées.
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Proposer des soins personnalisés, adaptés à la diversité et à la complexité des besoins individuels.
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Promouvoir une culture de pratiques fondées sur des preuves (evidence-based).
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Intégrer les principes du rétablissement dans les parcours de soins.
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Soutenir et reconnaitre les proches, souvent en première ligne dans l’accompagnement.
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Impliquer efficacement les proches dans le traitement.
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Améliorer l’accès, la continuité et la coordination des soins en santé mentale.
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Comprendre les causes et l’impact des délais d’attente, et développer des stratégies pour les réduire.
Un appel à projets axé sur la pratique
Le Top 10 servira de base au premier appel à projets du Fonds, doté d’un budget de 1,6 million d’euros pour financer des recherches appliquées répondant directement aux besoins du terrain.
Les projets devront s’inscrire dans au moins une des dix priorités de recherche identifiées, qu’il s’agisse de prévention, de détection, de traitement, de rétablissement ou d’organisation des soins. L’objectif affiché est de combler le fossé entre la recherche académique et les besoins du terrain.
« La recherche doit servir la pratique, et non l’inverse. » - Rapport Bridging Gaps in Mental Health: 10 Research Priorities
Les candidats intéressés sont invités à participer à une séance d’information obligatoire le 12 novembre, avant l’ouverture du dépôt des dossiers prévue le 13 novembre 2025.
Ce soutien marque, selon la Fondation, « une étape structurante pour la recherche en santé mentale en Belgique », en orientant les financements vers des projets directement transposables dans les pratiques de soins.
Trois messages-clés du rapport
Au-delà du Top 10, le projet MIND10 a permis de dégager trois constats essentiels pour orienter la recherche et les politiques publiques en santé mentale.
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Passer du savoir à la pratique
Les auteurs soulignent que « des connaissances précieuses et de bonnes pratiques existent, mais elles trouvent trop rarement leur place dans le travail quotidien ».
Le rapport appelle à développer de véritables stratégies de mise en œuvre, reposant sur le partage de savoirs, la formation continue et une culture de recherche fondée sur les preuves (evidence-based practice).
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Mieux cibler les publics vulnérables
Le rapport plaide pour une attention structurelle aux groupes les plus exposés : jeunes, personnes âgées, publics précarisés, personnes issues de l’immigration ou présentant des troubles complexes.
Ces catégories « ont leurs propres besoins et nécessitent des réponses adaptées », dans une logique d’inclusion et de réduction des inégalités de santé.
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Renforcer la collaboration
Enfin, la collaboration est présentée comme le socle d’une recherche et de soins accessibles et efficaces.
Le rapport appelle à une coopération « au sein de la chaîne de soins formelle, mais aussi via les réseaux informels (familles, écoles, associations locales) ».
Cette approche partagée doit également s’appliquer à la recherche elle-même, menée « en collaboration avec toutes les disciplines et les partenaires de terrain », afin de garantir « les résultats les plus pertinents ».
Sources :
- Bridging Gaps in Mental Health: 10 Research Priorities, King Baudouin Foundation & KU Leuven, octobre 2025.
- https://kbs-frb.be/en/fund-mental-health-research