Enseignement de la médecine : l’IA en embuscade
L’Académie de médecine organisait jeudi 23 octobre un symposium consacré l’enseignement de la médecine aujourd’hui et à l’avenir. L’idée-force : l’université en général, et les Facultés de médecine en particulier – sont défiés par les nouvelles technologies, les nouvelles habitudes et, bien sûr, l’Intelligence artificielle.
Françoise Smets, rectrice de l’UCL, médecin et doyenne émérite de la Faculté de médecine, a ouvert le bal, consciente que pour passionner les étudiants millenials, les professeurs auront fort à faire dans un proche avenir.
A l’heure où les hommes politiques, complètement hors-sol, semblent ignorer la révolution de l’intelligence artificielle, l’Académie de médecine, qu’on dit souvent, à tort, poussive, l’a intégré totalement dans la réflexion sur l’enseignement du future, réflexion menée hier, le 23 octobre. Et pour cause : les études de médecine sont les plus longues qui se puissent être. Et l’étudiant qui entame aujourd’hui sa première année sortira au plus tôt dans 9 ou 13 ans selon les spécialités. Autant dire que notre société aura été complètement bouleversée d’ici là puisque certains gourous annoncent notre remplacement par des machines dans… 24 mois. Le Dr Laurent Alexandre sort même un essai intitulé : « Ne faites plus d’études/Apprendre autrement à l’heure de l’IA ». Déjà, des assistants IA sont proposés pour soutenir profs et étudiants dans certaines universités. Il est certain qu’à l’heure de l’IA, certains jeunes étudiants se posent la question : à quoi bon apprendre ?
Comment attirer les étudiants dans les auditoires à l'heure des nouvelles technologies?
Françoise Smets est consciente, même hors IA, de la difficulté, avec les replays, les cours pirates de qualité variable mais pas si mauvais en somme, les vidéos prises sur place, etc. d’attirer les étudiants dans les auditoires. Certains sont assidus au premier rang, genre premiers de classe à lunettes ; d’autres, on ne les voit jamais. Mais dans le contexte actuel, les professeurs qui font sentir qu’ils sont profs pour des raisons uniquement financières et ceux qui ne pratiquent aucune pédagogie, n’ont qu’à bien se tenir.
Pour autant, les nouvelles technologies permettent aussi la généralisation de dossiers patients validés, l’échange de données médicales de qualité et plus de participation du patient. Le monde de demain devrait sans doute renforcer les quatre « P » : une médecine prédictive, préventive, personnalisée et participative.
Alors que le médecin généraliste est celui le moins suscptible de subir la concurrence de la robotisation, il convient de cesser définitivement de dévaloriser cette spécialité, rappelle la Dre Smets.
Une meilleure politique de santé
Dominique Van Pee, doyen honoraire de la Faculté de médecine et médecine dentaire de l’UCLouvain, s’est concentré sur le cursus de demain avec, ici aussi, un regard sur les nouvelles technologies et l’IA. Qu’apporteront-elles alors que les déterminants de la santé sont influencés à 80% par le monde extérieur ? Il est clair que la compétence diagnostique est prioritaire mais face à 20 à 25% d’examens complémentaires inutiles et le même pourcentage d’antibiotiques prescrits à tort, l’IA pourra sans doute aider à mener une meilleure politique de santé.
En 2035, quels défis pour les médecins ? D’emblée le kiné peut prescrire, l’infirmière spécialisée peut mener des consultations basiques, la Chine propose des hôpitaux sans médecins et sans infirmières (bien qu’ils soient présents virtuellement) et le NHS propose 10.000 lits virtuels. En passant de l’ère de la connaissance à l’ère des compétences, les cours magistraux et « bêtement transmissifs » sont à bannir ; ce qu’il faut à l’étudiant est un savoir complexe provenant d’une variété de ressources internes et externes. Peut-être même faut-il faire évoluer le cursus d’ores et déjà suivant le cours de l’explosion du progrès IA et technologique. Des étudiants qui recrachent le savoir via QCM fait partie du passé…
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