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JM Academy / Infectiologie

Les diarrhées infectieuses, données cliniques et physiopathologiques 

Dans les diarrhées infectieuses, allant du syndrome aqueux au dysentérique, de la diarrhée du voyageur à celle de l'immunodéprimé, la démarche diagnostique et thérapeutique n’est pas toujours facile. Revue des principaux pathogènes et des mécanismes physiopathologiques.  

Comment définir la diarrhée, la gastro-entérite et la dysenterie ? « On parle de diarrhée quand un sujet émet au moins plus de trois selles liquides ou plus molles par 24h (ou >200g de selles par jour). Elle est aiguë si elle dure moins de deux semaines; persistante si elle dure de 14 à 30 jours; chronique si elle persiste plus de 30 jours », répond le Dr Julien De Greef (infectiologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc). « La gastro-entérite désigne l’association de vomissements et de diarrhée. Le syndrome de dysenterie correspond lui à l’évacuation fréquente de selles glaireuses sanguinolentes, accompagnées de coliques violentes, par opposition à un tableau de diarrhée aqueuse ou sécrétoire. »  

La diarrhée est un symptôme fréquent, mais souvent autorésolutif, qui dure maximum trois jours. Devant un tableau de diarrhée aiguë, la cause est quasi toujours infectieuse et l’origine la plus fréquente est virale, surtout chez l’enfant. En général, la coproculture ne sert à rien parce qu’elle n’est positive que dans 1-5% des cas de diarrhées aiguës. C’est moins vrai pour les diarrhées sévères, qui sont plus souvent d’origine bactérienne. En fonction du degré de sévérité, le ratio virus/bactérie change : au plus une diarrhée est sévère, au plus elle sera bactérienne. 

Les principaux pathogènes qui touchent le grêle sont les norovirus, rotavirus, adenovirus, l’E. coli et des protozoaires comme le Giardia lamblia, Cryptosporidium sp. Au niveau du côlon, on retrouve les Salmonella, Campylobacter, Shigella, Yersinia et des bactéries toxinogènes comme le Clostridioides difficile, anciennement Clostridium difficile.  

Quid de l’anamnèse ? 
  
L’anamnèse (pour tous ces pathogènes) comprend : caractère aigu/chronique, caractéristiques des selles et symptômes associés, antécédents et facteurs de risque (âge, immunodépression, grossesse), anamnèse non alimentaire (voyage, épidémie, eaux de baignade) et alimentaire (quatre derniers jours, coquillages, charcuterie, viandes peu cuites, œufs, laitages, glaces, gâteaux…). La mise au point comporte aussi la recherche des complications (déshydratation, choc septique, hémorragie digestive, perforation colique).  

Le Journal du Médecin : Quels sont les mécanismes en cause ? 

Julien De Greef

Le Dr Julien De Greef

Dr Julien De Greef: Il y a deux mécanismes principaux, parfois associés : un mécanisme toxinogène et un mécanisme entéro-invasif.  

Le mécanisme toxinogène atteint le grêle, il induit une diarrhée aqueuse en lien avec la sécrétion ou la présence d’une entérotoxine spécifique d’un récepteur membranaire sur les entérocytes. La muqueuse digestive est intacte, mais totalement dysfonctionnelle. Les toxines sont soit préformées, soit produites in situ. Dans le premier cas, elles sont présentes sur un aliment contaminé, elles résistent à la chaleur et le délai d’incubation est très court. C’est notamment le fait du S. aureus et Bacillus cereus. L’autre type de toxine est produit dans l’intestin, la bactérie adhère à l’épithélium et sécrète une toxine qui perturbe les entérocytes et induit une incapacité à résorber le sel et l’eau. C’est le fait des toxines produites par l’E. coli entéro-toxinogène (ETEC) et le Vibrio cholerae.  

Le second mécanisme est entéro-invasif : des germes se multiplient dans les cellules épithéliales et peuvent produire une cytotoxine. Il s'agit d'un mécanisme inflammatoire, les bactéries envahissent la muqueuse et perturbent la fonction d’absorption de l'eau et des électrolytes, la perméabilité épithéliale augmente, le péristaltisme est stimulé et certains des nutriments qui devraient être absorbés au niveau grêle se retrouvent au niveau colique et entraînent par effet osmotique une diarrhée. Cette atteinte colique donne un tableau dysentérique.  

Le mécanisme de la dysenterie s'oppose au syndrome aqueux où la diarrhée est liquide, abondante, avec peu ou pas de fièvre, peu ou pas de douleurs abdominales. Dans la dysenterie, le patient présente ténesme, épreinte, faux besoins, crampes et douleurs, soit diffusément, soit au niveau du cadre colique, avec des selles fréquentes, en petit volume, mêlées à du sang, mucus et pus et des symptômes généraux comme de la fièvre.  

« En général, dans la diarrhée aiguë, la coproculture ne sert à rien parce qu’elle n’est positive que dans 1-5% des cas. »

Quels sont les principaux syndromes ? 

On en distingue cinq : les vomissements aigus, la diarrhée aqueuse ou profuse, la dysenterie et la diarrhée persistante.  

  • Les vomissements aigus : Les causes de diarrhée avec vomissements sont d'abord d'origine virale avec le norovirus, extrêmement contagieux, qui donne un tableau où les nausées et les vomissements prédominent, d’apparition brutale, avec des diarrhées plutôt légères à modérées. La transmission se fait de personne à personne ou par des aliments (fruits de mer crus, fruits/légumes…), la durée moyenne d'incubation est de 24 à 48 h.  
    Le S. aureus et le Bacillus cereus donnent également un tableau de nausées et de vomissements d'apparition brutale, médiés par une toxine, sans diarrhée. L'incubation est très courte (<6h après l’ingestion d’un aliment où se trouve la toxine), le tableau est assez court (un jour). Le bilan étiologique est rarement nécessaire (sauf épidémie) et la prise en charge est essentiellement symptomatique.  
  • La diarrhée aqueuse : Pas mal d'agents peuvent induire ce syndrome : adénovirus, rotavirus, sapovirus, astrovirus (causes de diarrhée aqueuse chez l'enfant, les sujets âgés ou immunodéprimés), norovirus, E. coli (ETEC, EPEC, EAEC pour entérotoxygénique, entéropathogénique, entéro-agrégatif), Cryptosporidium, C. difficile et perfringens, Bacillus cereus, Listeria, Aeromonas, Plesiomonas. En général, c'est une atteinte grêle avec une perte excessive de liquide par voie digestive, mais sans caractère sanglant ou inflammatoire. Il peut y avoir des vomissements, une anorexie, une petite fièvre (moins manifeste que dans la dysenterie). Le bilan étiologique n’est pas nécessaire et la prise en charge sera d'abord et surtout symptomatique.  
  • La diarrhée profuse peut être liée à l'agent du choléra mais aussi à certains E. coli, comme les ETEC. Les symptômes sont une diarrhée « eau de riz », de sévérité variable selon la fragilité, une fièvre légère et une déshydratation. Le bilan étiologique n'est pas nécessaire dans nos contrées, sauf si on suspecte un choléra. La prise en charge consiste avant tout à réhydrater mais pour le choléra, on peut utiliser certains antibiotiques ciblés.  
  • La dysenterie peut être liée à pas mal de pathogènes mais en général, on retrouvera des Campylobacters, EIEC (E. coli entéro-invasifs), des salmonelles, Shigella, Yersinia enterocolitica, des amibes, Aeromonas, Plesiomonas, parfois C. difficile. C'est un tableau de diarrhée inflammatoire, avec parfois un état septique. La coproculture est indiquée et des recherches spécifiques selon le contexte (Clostridium toxinogène…). La prise en charge passe par la réhydratation et dans certains cas, l’antibiothérapie.  
  • La diarrhée persistante peut être causée par divers pathogènes : Giardia lamblia, Cryptosporidium, Cystoisospora, Cyclospora (VIH stade sida), des amibes, le VIH ou une diarrhée après une gastro-entérite (qui induit une dysbiose). La mise au point comprendra une coproculture, une recherche de parasites, éventuellement des tests antigéniques pour Giardia ou Cryptosporidium. La prise en charge sera symptomatique, et puis ciblée lorsqu'on aura identifié la cause.  

À côté de ces grands syndromes, il y a encore la diarrhée du voyageur… 

La diarrhée aiguë du voyageur concerne 30 à 40% des voyageurs en Asie, Afrique et Amérique latine. Les pathogènes les plus fréquents sont les ETEC et EAEC, les Shigella, Salmonella et Campylobacter ou des pathogènes parasitaires ou viraux. Si la diarrhée dure plus de 14 jours, elle est sans doute d’origine parasitaire, les diarrhées plus courtes sont plutôt d'origine bactérienne.  

Une des causes de diarrhée persistante, c'est le Giardia lamblia, un protozoaire cosmopolite, très contagieux (dès 10-25 kystes), qui donne des diarrhées sporadiques ou épidémiques, plutôt légères mais qui vont traîner et s’accompagner de crampes abdominales, de selles graisseuses et de perte de poids. Le diagnostic sera fait par l'examen parasitologique des selles (peu sensible), on lui préfère un test antigénique, plus facile et sensible. Le traitement repose sur le métronidazole ou idéalement le tinidazole.  

L’Entamoeba histolytica est un autre pathogène spécifique. Il y a deux tableaux cliniques : un portage asymptomatique (dans 90% des cas, il s’agit d’E. dispar, non pathogénique mais indistinguable microscopiquement d’E. histolytica) et une colite subaiguë (rarement fulminante). Dans certains cas, des tableaux d’abcès hépathique ou exceptionnellement, d'autres localisations (cérébral). Le diagnostic repose sur l’examen parasitologique des selles + PCR et le traitement sur le métronidazole.  

La diarrhée de l'immunodéprimé est un autre contexte spécifique… 

Les pathogènes sont nombreux : viraux (CMV), parasitaires (Cryptosporidium), microsporidies, mycobactéries, bactéries (Listeria monocytogenes), VIH, causes non infectieuses (médicaments…). Ce syndrome nécessite une mise au point spécialisée.  
 
Le Cryptosporidium parvum cause une diarrhée traînante et prolongée. C'est un parasite protozoaire qui peut être transmis par le contact avec des eaux contaminées. Le tableau de diarrhée aqueuse d’intensité variable, non sanglante, sans fièvre, a la particularité de durer au moins une semaine. C’est souvent autorésolutif, sauf chez le patient immunodéprimé qui nécessite un traitement (antirétroviral VIH, réduction d'immunosuppression…). Le diagnostic de la cryptosporidiose repose surtout sur des tests antigéniques ou PCR.  

La Listeria monocytogenes est un agent de gastro-entérite qui peut survenir chez le sujet sain. Il faut y penser chez des sujets plus fragiles (femme enceinte, personnes âgées, enfants, immunodéprimés). Le tableau est dominé par des diarrhées plutôt aqueuses, mais ce qui fait la sévérité de l'infection, ce sont les complications à distance comme les bactériémies secondaires.  

Objectifs d'apprentissage

La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec : 
- La définition de la diarrhée et de plusieurs notions afférentes ; 
- Les germes les plus fréquents responsables de la diarrhée ; 
- Les deux mécanismes principaux à l’origine de la diarrhée ; 
- Les principaux syndromes associés à la diarrhée ; 
- Les particularités de la diarrhée du voyageur ; 
- Les particularités de la diarrhée de l’immunodéprimé. 

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Écrit par Martine Versonne7 octobre 2025
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