The Patient Voice Database :
le « Tinder » des essais cliniques
La Belgique sert de pays pilote à une initiative mondiale, The Patient Voice Database. La plateforme offre aux patients un moyen sûr et accessible d’entrer en contact avec la recherche clinique. Un changement de paradigme d’où le patient, son médecin et la recherche clinique devraient ressortir gagnants.
Une personne sur quatre, en Belgique, souffre d’une maladie ou situation chronique. Cette statistique soulève tout le poids des essais cliniques nécessaires en vue de développer de nouveaux traitements pour ces maladies. Si la Belgique est un pays leader dans le domaine, un paradoxe vient pourtant jeter du sable dans les rouages. Alors que 64 % des Belges se disent prêts à participer à des essais cliniques (pour se voir proposer de nouvelles pistes de traitements ou pour faire progresser la recherche, la motivation varie), 70 % des essais cliniques sont retardés par manque de participants.
Ce problème d’alignement tient en grande partie au fait que le patient n’est pas correctement outillé pour trouver les essais cliniques auxquels il pourrait être éligible. Se tourner vers son médecin ? « Face au patient qui exprimerait qu’il souhaite participer à la recherche, souvent, le médecin lui-même est un peu perdu, parce qu’il y a tellement recherches en cours, avec tellement de critères d’inclusion et d’exclusion par étude, qu’il est compliqué pour lui d’indiquer spontanément un essai clinique à son patient », explique Jean-Sébastien Gosuin, fondateur de la start-up belge Curewiki.
Médecins et patient avantagés
Le système des essais cliniques n’est donc pas parfait, mais des efforts sont réalisés pour l’améliorer. Ce mois-ci, l’AFMPS annonce par exemple qu’elle va accélérer l’évaluation des essais cliniques mononationaux, pour renforcer la position de notre pays en tant que leader dans le domaine. Toujours en Belgique, et c’est une première mondiale, la start-up Curewiki et l’ASBL Patient Expert Center ont décidé de prendre le problème par l’autre bout. Leur initiative conjointe, baptisée « The Patient Voice Database », veut offrir aux patients un moyen sûr et accessible d’entrer en contact avec la recherche clinique, de partager leur expérience et de contribuer à l’innovation médicale.

Lancée pendant l’été, la plateforme prend l’apparence d’un chatbot, qui a préalablement été « nourri » grâce à un vaste travail de récolte des protocoles et critères des essais cliniques en attente de participants, informations qui sont disponibles publiquement. De cette foule de critères, une intelligence artificielle déduit une série de questions qui sont posées au patient par l’intermédiaire du chatbot. Après avoir répondu à ces questions, le patient reçoit des propositions personnalisées en fonction de ses réponses. Celles-ci ne présentent que des études ou projets pertinents pour le patient et pour lesquels il est éligible. Le patient décide lui-même - après concertation avec son médecin ou spécialiste - s’il est intéressé. Son profil n’est partagé qu’avec consentement explicite. L’inscription est volontaire, gratuite et les données peuvent être supprimées à tout moment.
« Donner aux médecins un outil objectif, neutre et exhaustif à ce patient qui en fait la demande, c’est une façon de lui permettre de fournir à son patient un moyen pour se pré-screener sur toutes les études en cours dans sa maladie. » Le rôle du médecin ne s’arrête pas là. Une fois que le patient s’est inscrit sur The Patient Voice Database et a réalisé le pré-screening, la plateforme passe humblement le relai. Le patient fait face à un grand bloc de texte qui l’encourage à parler à son médecin traitant ou à son médecin spécialiste. « L’avantage, pour le médecin, est que le patient arrive avec un pré-screening déjà fait et avec une courte liste de deux ou trois études, sur lesquelles le médecin va pouvoir se prononcer très concrètement. Tout le rôle du médecin est et reste d’alors accompagner son patient vers une décision de participer ou non à un essai clinique. »
« C’est un écosystème qui offrira à terme des possibilités pour les politiques publiques, la prévention et l’analyse des données. »
- Jean-Sébastien Gosuin, fondateur de Curewiki et cofondateur de The Patient Voice Database

Si aucun essai clinique ne peut être proposé au patient, la plateforme peut lui fournir des suggestions de panels à intégrer ou d’enquêtes à compléter. Le modèle économique de The Patient Voice Database est basé sur un financement par l’industrie pharmaceutique et les biotechs, ce qui permet de donner gratuitement accès à la plateforme aux patients et aux associations de patients. Les précieuses données collectées par la complétion des pré-screening est également fournie gratuitement aux hôpitaux et aux universités.
L’outil permet donc au patient d’être réellement aux commandes de sa contribution à la recherche sur sa propre maladie, ou sur celle de l’un de ses proches. « On observe qu’énormément de sujets sains s’inscrivent pour contribuer à la recherche », ajoute le fondateur de la plateforme. Enfin, il s'agit aussi d'une nouvelle manière, pour les associations de patients, de mieux répondre aux demandes de ceux-ci et de leur entourage, mais aussi du public, des hôpitaux, des universités, des biotechs et du pharma. « C’est vraiment du win-win-win », conclut Jean-Sébastien Gosuin.