Ia & imagerie médicalePremium

Données privées, prudence dans l’azur

L’essor des intelligences artificielles conversationnelles a bouleversé nos habitudes de recherche et d’écriture, adoptant un mode naturel, fluide, presque confidential, alors que chaque échange génère et conserve des données dont la destination échappe souvent à l’utilisateur.

Dr Carl Vanwelde

chatbots IA médecineLes chatbots reposent sur de vastes modèles de langage nourris par des milliards de textes collectés sur internet. Lorsqu’un utilisateur formule une question, la machine s’appuie sur cet immense corpus pour générer une réponse. Mais ce dialogue n’est pas sans mémoire : les échanges peuvent être stockés, analysés et intégrés à l’entraînement ultérieur du modèle, sauf si l’entreprise garantit explicitement le contraire. Ainsi, rédiger un courrier médical, un rapport clinique ou une note de synthèse dans un chatbot revient, si l’on n’y prend garde, à introduire des fragments de dossiers médicaux dans une base de données mondiale.

Cette confusion entre outil d’aide et réservoir d’informations soulève une question cruciale : à qui appartiennent les données que nous confions à ces intelligences artificielles ?

Les murmures ont des oreilles

Le danger ne réside pas seulement dans la transmission volontaire de données identifiantes (un rapport d’hospitalisation, par exemple), mais aussi dans l’introduction involontaire de métadonnées reprises dans un texte administratif, un rapport d’imagerie ou une description clinique trop précise (date, lieu, nom du service hospitalier).

Ces traces, une fois intégrées, deviennent quasiment impossibles à retirer, et susceptibles de se voir accolées sans qu’on ne s'en aperçoive à l’identité du patient. On imagine l’embarras, lors d’un repas de famille, où on propose par jeu d’interroger ChatGPT sur la biographie d’un vieil oncle, laquelle révèle à la tablée qu’il a présenté un herpès après avoir participé à des parties échangistes fines. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) protège théoriquement l’utilisateur, mais sa mise en œuvre se heurte à la complexité des infrastructures d’IA et à la multiplicité des serveurs.

Ne dites pas, mais dites

« Madame L. D., 79 ans, habitant à Ixelles, atteinte d’un adénocarcinome pulmonaire stade IV, demande l’euthanasie. Son fils Marc s’y oppose. J’ai été sollicité comme second médecin, comment rédiger mon rapport circonstancié, prenant en compte les éléments diagnostiques et cliniques que je vous joins? »  Bel exemple d’une question à proscrire car une série d’éléments permettent aisément à l’IA de tracer la demande : l’intitulé, le prénom, les initiales (Madame L. D., Marc), un détail géographique (Ixelles), l’âge exact et une pathologie précise potentiellement identifiable, complétés par les données diagnostiques et cliniques.

Une version anonymisée et prudente optera pour la formulation suivante : « Dans le cadre d’une demande d’euthanasie formulée par une patiente âgée atteinte d’un cancer pulmonaire avancé et incurable, source d’une souffrance morale et physique inapaisable, comment structurer un rapport circonstancié conforme aux critères légaux belges » Les données cliniques essentielles peuvent y être jointes, mais aucun élément personnel n’est identifiable, tout en permettant une aide rédactionnelle précise.

Si un produit est gratuit, dites-vous que le produit, c’est vous.

Quelques règles simples pour un usage sûr

  1. Ne jamais introduire de données nominatives ou cliniques réelles (nom, date de naissance, lieu d’exercice ni détail médical précis) ;
  2. Envisager de substituer les données réelles par des données modifiées similaires ;
  3. Utiliser le mode “incognito”, “confidentiel” ou “non enregistré” proposé par certaines plateformes (souvent, une icône significative en haut à droite de l’écran de recherche). Attention ! Dans ce mode “incognito”, la disparition des traces n'est que locale: effacées du tableau de bord du navigateur, elles restent visibles sur la route numérique elle-même. Si vous souhaitez qu’une question reste totalement privée, désactivez la mémoire: allez dans Paramètres, Données et confidentialité, Mémoire, Désactiver la mémoire. Ou bien cliquez sur votre nom Paramètres > Mémoire > basculez sur off ;
  4. Éviter les 'copier-coller' de documents contenant des métadonnées (Word, PDF, imageries) ;
  5. Garder une trace locale : si l’on produit un texte via un chatbot, sauvegarder sa version finale hors ligne et effacer la conversation dès la fin de l’échange (menu à gauche, icône corbeille) ;
  6. Former les équipes à la prudence: les secrétariats médicaux, les étudiants ou les confrères doivent être informés de ces précautions élémentaires ;
  7. Garder en tête que les données d'entrée fournies seront utilisées pour améliorer les performances de l’outil, sauf pour les forfaits payants d'entreprise. Les services d'IA grand public, souvent perçus comme gratuits, ne le sont pas: leur coût se mesure en données fournies par l'utilisateur. Chaque requête, chaque interaction contribue à affiner le modèle, faisant de l'utilisateur un contributeur indirect et invisible à la création de valeur pour l'entreprise. Si un produit est gratuit, dites-vous que le produit, c’est vous.

Un chatbox n’est pas un confessionnal

Les intelligences artificielles conversationnelles ne sont pas des confidents, mais des outils dont il faut connaître les limites. Comme le secret médical s’est construit contre la curiosité du pouvoir, la prudence numérique doit se construire contre la curiosité d’algorithmes non innocents.

Tout comme on ne laisse pas traîner un dossier médical sur un bureau, on ne le dépose pas plus dans un champ de saisie numérique. Les murmures ont des oreilles.

Exercice pratique
1. Découvrez dans votre chatbox favori où se trouve l’icône “incognito”, “confidentiel” ou “non enregistré” (souvent en haut à droite) et utilisez-la. Recherchez également comment sélectionner cette fonction dans Paramètres (souvent dans la barre latérale gauche).
2. Dans la barre latérale gauche, sélectionnez une conversation qui n’aurait pas été protégée par le mode incognito et détruisez-la (souvent par une icône ***).

Wat heb je nodig

Accès GRATUIT à l'article
ou
Faites un essai gratuit!Devenez un membre premium gratuit pendant un mois
et découvrez tous les avantages uniques que nous avons à vous offrir.
  • checkaccès numérique aux magazines imprimés
  • checkaccès numérique à le Journal de Médecin, Le Phamacien et AK Hospitals
  • checkoffre d'actualités variée avec actualités, opinions, analyses, actualités médicales et pratiques
  • checknewsletter quotidienne avec des actualités du secteur médical
Vous êtes déjà abonné? 
Écrit par Dr Carl Vanwelde18 novembre 2025

En savoir plus sur

Magazine imprimé

Édition Récente
01 décembre 2025

Lire la suite

Découvrez la dernière édition de notre magazine, qui regorge d'articles inspirants, d'analyses approfondies et de visuels époustouflants. Laissez-vous entraîner dans un voyage à travers les sujets les plus brûlants et les histoires que vous ne voudrez pas manquer.

Dans ce magazine