Comité consultatif de bioéthique
Le consensus progresse autour l’euthanasie en cas de démence
Dans un document fouillé, le Comité consultatif belge de bioéthique formule une série de recommandations sur la manière d’aborder l’euthanasie en cas de démence. Un large consensus se dégage, même si un point de dissensus subsiste : la déclaration anticipée est-elle absolue ou réfragable ?
L’avis du Comité consultatif belge de bioéthique sur « l’euthanasie sur la base d’une déclaration anticipée de volonté chez des personnes conscientes dont la capacité de discernement et l’aptitude à exprimer leur volonté sont irréversiblement altérées », publié aujourd’hui, n’a pas été sollicité par le monde politique. Il s’agit d’une initiative propre du Comité, répondant ainsi à une question sociétale présente depuis longtemps.
Actuellement, la loi prévoit deux types de demandes d’euthanasie :
-la demande actuelle, formulée par une personne capable de discernement, dans l’intention de la faire exécuter à court terme – en jours ou en mois ;
-la déclaration anticipée de volonté pour une situation future, qui ne peut être prise en compte comme base d’une décision d’euthanasie que lorsque le patient « souffre d’une affection grave et incurable, n’est plus conscient et que cet état est irréversible selon l’état de la science ».
Aucune de ces deux possibilités ne permet l’exécution de l’euthanasie chez des personnes qui, bien que conscientes, ne sont plus jugées capables de discernement en raison d’une affection qui altère précisément cette capacité.
Consensus
L’avis élaboré par le Comité consultatif belge de bioéthique ne se limite pas aux personnes atteintes de maladies neurodégénératives ni, en particulier, aux symptômes de la démence qui les accompagnent. Il « vise toutes les situations dans lesquelles la capacité de décider de manière autonome d’une demande actuelle d’euthanasie est altérée par une pathologie, que ce soit de manière progressive ou à la suite d’un événement soudain ».
Sur plusieurs points, le Comité est parvenu à un consensus :
-Apporter une réponse aux patients confrontés à une affection qui altère leur capacité de discernement et qui souhaitent pouvoir demander l’euthanasie sans devoir le faire prématurément, uniquement pour satisfaire aux conditions du cadre légal actuel. Les membres du Comité recommandent unanimement d’adapter la législation en vigueur afin de répondre à cette situation.
-Reconnaître la déclaration anticipée de volonté comme fondement juridique pertinent de la demande d’euthanasie, celle-ci valant comme présomption d’une volonté actuelle.
-Souligner l’importance de la planification anticipée des soins comme cadre de soutien pour le patient et l’équipe soignante. Il est donc essentiel que cette déclaration anticipée, dans le cadre d’un suivi médical rigoureux d’une affection progressive – ou, le cas échéant, dans le cadre d’un suivi général de santé –, soit rédigée avec le médecin traitant (généraliste ou spécialiste) ou portée à sa connaissance, et qu’elle fasse l’objet d’une discussion dans le cadre de cette planification anticipée.
-Reconnaître l’euthanasie comme réponse à une souffrance insupportable dans le contexte d’une altération irréversible de la capacité de discernement. Le Comité souhaite reconnaître explicitement que cette altération, causée par un accident ou une maladie progressive, peut engendrer, outre des composantes physiques, psychiques et/ou sociales, une forme propre de souffrance existentielle, difficile, voire impossible, à soulager.
Dissensus
Un désaccord subsiste toutefois quant au caractère réfragable ou irréfragable de la déclaration anticipée de volonté. Une partie des membres la considère comme irréfragable. Les partisans de ce point de vue estiment que personne d’autre – pas même le médecin qui suit étroitement la personne – n’est en mesure de contester avec certitude ce que l’intéressé a exprimé dans sa déclaration anticipée.
Le patient peut toujours modifier ou révoquer cette déclaration tant qu’il est considéré comme capable de discernement. Ces membres estiment néanmoins qu’un médecin doit toujours conserver le droit de refuser de pratiquer l’euthanasie s’il juge que les conditions légales ne sont pas remplies ou s’il invoque sa clause de conscience.
D’autres membres du Comité considèrent, eux, la déclaration anticipée comme réfragable. Ils soulignent qu’à la différence du cadre actuel de la déclaration anticipée, la personne devenue incapable de discernement n’est pas inconsciente. Elle « vit sa vie », même si celle-ci est limitée par la maladie.
Elle continue à faire des expériences qui peuvent avoir, sur le moment, une signification, et procurer satisfaction, plaisir, voire joie, dont l’expression peut parfois être clairement observable. Ne pas tenir compte de ce que la personne éprouve une fois malade et de ce qu’elle exprime reviendrait non seulement à établir a priori une hiérarchie entre le then-self et le now-self, mais aussi à nier ce dernier en donnant la priorité à ce qui a été écrit sur ce qui est vécu au présent.
Certains membres du Comité estiment que la déclaration anticipée possède certes une grande légitimité, mais qu’elle ne peut être absolue.
Les membres qui soutiennent cette seconde position estiment que la déclaration anticipée possède certes une grande légitimité, mais qu’elle ne peut être absolue. Le triple présupposé sur lequel elle repose peut être réfuté lorsque des signaux clairs, persistants et répétés, directement émanant de la personne concernée, contredisent l’hypothèse d’une demande constante et d’une souffrance grave.
Ils reconnaissent toutefois qu’il est particulièrement difficile d’évaluer le caractère insupportable de la souffrance sans un entretien approfondi avec la personne elle-même, entretien qui, en raison de la nature et du stade de la maladie, peut ne plus être possible.
La balle est désormais dans le camp du législateur.