Microbiologie

Emmanuel André devant l’UE :

« Le pipe-line des nouveaux antibiotiques est vide ! »

« L’industrie pharmaceutique a désinvesti dans les antibiotiques », regrette le Pr Emmanuel André, auditionné par le Parlement européen au sujet de la résistance antimicrobienne. Face à ce qui est qualifié de « prochaine pandémie », le microbiologiste réclame un nouveau modèle de financement européen.

Emmanuel André

Ce lundi 8 décembre, le Dr Emmanuel André s’est adressé aux parlementaires européens. L’audition d’experts et de parties de l’industries visait à examiner les progrès réalisés dans la lutte contre la résistance antimicrobienne. Face à l’urgence de la situation, le médecin microbiologiste de la KU Leuven n’a plus souhaité mâcher ses mots : « Aujourd’hui, nous sommes à un point d’inflexion où, pour la première fois depuis tant d’années, la charge des maladies infectieuses pourrait à nouveau augmenter de façon structurelle. L’évolution continue de la résistance aux antimicrobiens en est la cause principale. Durant l’âge d’or de la découverte des antibiotiques, nous pouvions identifier de nouveaux antibiotiques à un rythme qui nous permettait de traiter toutes ces infections. Mais, maintenant que ce rythme de découverte a ralenti, les bactéries ont eu le temps de devenir résistantes même aux antibiotiques de dernier recours. »

Désinvestissement coûteux

Pourquoi un tel ralentissement ? Pour comprendre, il faut faire un détour par le processus de production des nouveaux antibiotiques. L’une des approches les plus utilisées consiste à optimiser les antibiotiques existants. Modifier leur structure chimique ou y ajouter un composé supplémentaire permet de restaurer une partie de leur activité. « Mais ce qui est réellement nécessaire, c’est la découverte de nouvelles cibles », ajoute Emmanuel André. « La recherche fondamentale, accélérée par l’intelligence artificielle, permet d’identifier des cibles pour de nouvelles petites molécules comme des antibiotiques, mais aussi des bactériophages, des anticorps… »

« Le pipeline de nouvelles solutions est vide, parce que le secteur économique, qui a assumé une responsabilité sociale pendant des décennies, a quitté le champ de bataille. »

« La particularité des antibiotiques, c’est qu’il s’agit de traitements de courte durée, dont l’utilisation est limité par les politiques de bon usage et par l’émergence de résistances », poursuit le microbiologiste. « Les entreprises hésitent donc à investir dans la découverte de nouveaux antibiotiques. Malgré les incitants push et pull en sa faveur, nous devons assumer ce double échec : en Europe, l’industrie pharmaceutique a désinvesti dans les maladies infectieuses, et les organismes de recherches se basent de plus en plus souvent dans des économies émergentes, hors de l’Europe. »

Les députés européens se sont alors vu asséner le constat sans appel de l’expert belge : « Le pipeline de nouvelles solutions est vide, parce que le secteur économique, qui a assumé une responsabilité sociale pendant des décennies, a quitté le champ de bataille. »

Soutenir localement

L’Union européenne a besoin d’un nouveau modèle économique en la matière, plaide celui qui est également le directeur du Centre national référence des pathogènes respiratoires : « Voulons-nous soutenir les entreprises pharmaceutiques, qui vont en réalité consacrer leurs moyens à soutenir une recherche désormais externalisée parce qu’elles ont elles-mêmes désinvesti, ou voulons-nous investir dans l’écosystème européen local de recherche ? Nous avons besoin d’une vision à long terme, afin de créer et maintenir un environnement résilient et compétitif. »

Emmanuel André réclame de nouveaux systèmes de subvention pour les PME et le monde académique. Il cite aussi les fonds de capital-risque, qui ont normalement pour mission d’investir dans les solutions émergentes, mais qui ont en réalité cessé de financer les antibiotiques. « Nous avons un certain nombre d’anti-infectieux qui passent les essais cliniques puis sont arrêtés, parce que ce marché est beaucoup moins rentable que celui des médicaments en oncologie, où les patients doivent recevoir des traitements pendant des mois et des mois, alors qu’avec les antibiotiques nous ne traitons que pendant quelques jours. Nous devons donc veiller à ce que ces fonds de capital-risque, financés par des fonds de pension avec de l’argent européen, assument aussi leurs responsabilités, tout comme les médecins et les vétérinaires qui sont chaque jour confrontés aux organismes multirésistants. »

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Écrit par François Hardy9 décembre 2025
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