Patrimoine et bénéfices non taxés des mutualités : Jan Jambon ouvre de grands yeux
Jan Jambon cible les mutualités. En plus des 5 milliards d'euros de réserves, il vient de "découvrir" 1,45 milliard de bénéfices non taxés provenant des assurances hospitalisations. Selon lui, il faut changer la loi. Il lance une enquête.
Les révélations récentes de Het Laatste Nieuws sur l’ampleur du patrimoine financier des mutualités belges ont relancé un débat sensible, à la croisée des enjeux fiscaux, institutionnels et sanitaires. Selon l’enquête du quotidien flamand, qui a passé en revue plus de soixante comptes annuels, les principales mutualités du pays disposeraient d’un patrimoine cumulé estimé à 6,1 milliards d’euros.
Ces chiffres, également analysés par Trends-Tendances, montrent que l’essentiel de ces actifs est constitué de placements financiers – obligations, actions et fonds divers – pour plus de 5 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent des investissements immobiliers, parfois à l’étranger. La Mutualité chrétienne arrive en tête avec environ 2,4 milliards d’euros d’actifs, devant Helan (1,7 milliard) et Solidaris (1,4 milliard).
1,45 milliard d’euros de bénéfices cumulés depuis 2020
Au-delà du patrimoine, c’est surtout le volume des bénéfices générés par les assurances hospitalisation des mutualités qui retient désormais l’attention du ministre des Finances, Jan Jambon. Selon les données publiées, ces activités auraient dégagé 1,45 milliard d’euros de bénéfices cumulés depuis 2020, sans être soumises à l’impôt des sociétés.
Interrogé à ce sujet par Het Laatste Nieuws, le ministre a demandé à son administration d’examiner si ce traitement fiscal est pleinement conforme au cadre légal. « Si des acteurs privés doivent céder environ un quart de leurs bénéfices au fisc, la question se pose de savoir pourquoi ce n’est pas le cas ici », a-t-il déclaré, tout en précisant que, si la situation est juridiquement fondée, un débat politique sur une éventuelle adaptation de la loi pourrait s’imposer.
Des lignes de fracture politiques bien connues
Sur le plan politique, les positions sont loin d’être unanimes. La N-VA et le MR plaident depuis longtemps pour une remise en question du rôle et du financement des mutualités. Les libéraux dénoncent ce qu’ils considèrent comme une concentration excessive de pouvoir, Georges-Louis Bouchez évoquant régulièrement « le plus grand lobby du pays ».
À l’inverse, les partis historiquement liés aux piliers mutualistes, comme le CD&V et Vooruit, se montrent beaucoup plus réservés. Si les liens politiques et idéologiques se sont progressivement distendus, notamment du côté des Engagés, les mutualités restent des acteurs centraux du "compromis social belge".
Un débat de fond sur la gouvernance du système de santé
Derrière la question fiscale se profile un débat plus structurel sur la place des mutualités dans le système de santé. Gestionnaires de l’assurance obligatoire maladie-invalidité, acteurs économiques via leurs filiales, investisseurs dans le secteur des soins et impliqués dans l’accompagnement des malades de longue durée, les mutualités cumulent des fonctions parfois jugées difficiles à concilier.
L’initiative de Jan Jambon s’inscrit dans ce contexte. Plus qu’une simple question d’impôt, elle pourrait rouvrir un débat de fond sur la gouvernance, la transparence et le périmètre d’action d’un pilier historique de la sécurité sociale belge.