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Douleur thoracique (II)

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L'article précédent s'est achevé sur le diagnostic d'un patient qui consulte parce qu'il a ressenti une douleur thoracique au cours des dernières heures, mais devenu asymptomatique depuis lors. Dans ce deuxième article, le Pr Steven Haine, chef de clinique de cardiologie interventionnelle à l'UZA, aborde la prise en charge d'un patient qui souffre encore de douleurs au moment de la consultation. Il met également l'accent sur un certain nombre d'affections cardiaques non coronariennes qui peuvent provoquer des douleurs thoraciques.

La situation d'un patient qui souffre de douleurs thoraciques au moment de la consultation. Supposons que l'ECG montre de nettes élévations du segment ST, ce qui vous permet de conclure à juste titre que le patient est en train de développer un STEMI. Que faites-vous, par ordre d'importance? Ou que vaut-il mieux ne pas faire dans certaines circonstances?

· Appeler le SMUR via le 112 ;

· Surveiller le patient: contrôle de la pression artérielle, surveillance permanente de l'ECG si possible, de sorte qu'en cas de perte de conscience, on puisse voir ce qui se passe. De préférence, on fait appel à un membre du personnel qui ira chercher le DEA le plus proche, au cas où le patient développerait une fibrillation ventriculaire ;

· Administrer de l'aspirine: des comprimés ordinaires que l'on fait mâcher au patient parce que le principe actif est absorbé plus rapidement de cette manière. La dose est de 150 à 320 mg. Dès qu'il existe un accès intraveineux, l'administration par voie intraveineuse est également une bonne solution ;

· Il est préférable de ne pas administrer le clopidogrel en tant que généraliste car en principe, en cas de STEMI, l'équipe d'urgence administrera pendant le transport vers l'hôpital les antiagrégants plaquettaires légèrement plus puissants que sont le prasugrel ou le ticagrelor ;

· Héparine/HBPM: ces médicaments empêchent la formation de nouveaux thrombus. Cependant, les HBPM ne protègent pas contre la formation de thrombus sur les cathéters en plastique pendant la procédure de revascularisation. C'est pourquoi l'héparine classique est préférable en cas d'urgence et sera administrée par le médecin urgentiste ;

· La morphine pour contrôler la douleur est une mesure mentionnée dans toutes les directives. Il faut toutefois préciser que la morphine inhibe la résorption des antiagrégants plaquettaires oraux. Un autre inconvénient est que la morphine provoque facilement des nausées chez une personne qui la reçoit pour la première fois. On risque donc de voir le patient vomir sur la table du labo de cathétérisme alors qu'il est impossible de se tenir droit pendant l'intervention. Le fentanyl est donc le médicament de choix parce qu'il provoque moins de nausées et procure en outre une analgésie un peu plus puissante ;

· Administrer un dérivé nitré: il n'existe aucune preuve que l'administration de dérivés nitrés réduise la mortalité dans les cas de STEMI. Ces médicaments peuvent combattre une douleur en cas d'angor instable ou si la douleur est engendrée par un spasme coronarien. Les dérivés nitrés ne doivent pas être utilisés en cas d'hypotension ou chez une personne ayant utilisé un inhibiteur de la PDE5 (Viagra®et apparentés) au cours des dernières heures, même si la pression artérielle est élevée (risque d'hypotension brutale).

Les dérivés nitrés doivent également être utilisés en cas d'infarctus de la paroi inférieure sauf si l'on peut exclure qu'un infarctus du ventricule droit y soit lié. En effet, l'infarctus de la paroi inférieure est généralement causé par une occlusion de l'artère coronaire droite (dans 85% des cas). L'occlusion de cette artère dans son segment proximal entraîne automatiquement l'absence de perfusion d'une de ses branches latérales, la branche marginale droite, seule artère irriguant le ventricule droit. Dans ces conditions, le ventricule droit est à l'arrêt. Le patient reste en vie grâce à la pression veineuse centrale. En d'autres termes, le sang traverse le ventricule droit akinétique vers les poumons grâce à la pression dans les veines caves. L'administration d'un dérivé nitré abaisse la pression veineuse centrale et compromet cette situation précaire. Le patient peut alors entrer en état de choc.

Les dérivés nitrés doivent également être utilisés en cas d'infarctus de la paroi inférieure, sauf si l'on peut exclure qu'un infarctus du ventricule droit y soit lié.

Si un patient souffrant d'un infarctus du ventricule droit a néanmoins reçu un dérivé nitré par erreur, il faut surélever ses jambes pour réaugmenter la pression veineuse centrale et remplir le patient par voie intraveineuse.

Un infarctus du ventricule droit peut être exclu en plaçant les électrodes de l'appareil ECG à droite du sternum, en miroir de ce que l'on fait classiquement. S'il y a une élévation du segment ST dans ces électrodes placées à droite, on sait alors que le ventricule droit est impliqué dans l'infarctus et qu'il ne faut pas administrer de dérivé nitré, même en cas d'hypertension artérielle.

· Administration d'un bêta-bloquant en phase aiguë: son but est de lutter contre l'hypertension et l'accélération du pouls (due à la réponse au stress), mais il ne s'agit certainement pas d'une mesure obligatoire. Son utilité fait l'objet de discussions. Certaines études montrent des avantages, d'autres des inconvénients. Cela explique pourquoi certaines recommandations préconisent les bêta-bloquants dans l'infarctus du myocarde, tandis que d'autres non. Bien entendu, il existe une indication absolue après l'infarctus en cas de fonction cardiaque réduite.

· Si possible, une perfusion peut être mise en place, à condition qu'elle ne retarde pas le transport vers l'hôpital.

· Oxygène: il n'est administré aujourd'hui qu'aux patients dont la saturation en oxygène est inférieure à 90%, ce qui ne se produit dans l'infarctus du myocarde que si le patient développe en même temps un oedème pulmonaire. Des études ont montré que l'induction d'une hyperoxie ne fait qu'aggraver l'infarctus.

Causes non coronariennes des douleurs thoraciques

· Sténose de la valve aortique. Les douleurs thoraciques liées à l'effort et dues à une sténose aortique sont généralement observées chez les personnes de plus de 70 ans, car la principale cause de cette anomalie valvulaire est l'usure liée à l'âge. Plus rarement, la sténose aortique survient chez des individus âgés d'environ 50 ans, s'ils sont nés avec une valve aortique bicuspide (1% de la population).

Un souffle systolique irradiant sur les carotides donne le ton pour le diagnostic. L'ECG montre une hypertrophie du ventricule gauche avec une dépression diffuse du segment ST (strain). Pour administrer des bêta-bloquants (et des dérivés nitrés), mieux vaut attendre l'évaluation cardiologique en raison du risque d'hypotension réfractaire.

Il convient de mentionner que des troubles diffus de la repolarisation peuvent également survenir dans deux autres causes d'angor d'effort, à savoir la sténose du tronc commun et la sténose tritronculaire.

· Intoxication à la cocaïne. Ici aussi, une dépression diffuse du segment ST peut être observée sur l'ECG. Le mécanisme est l'effet prononcé de la cocaïne en tant que sympathomimétique indirect, avec une augmentation de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque et de la contractilité du myocarde. En même temps, la cocaïne provoque une constriction des artères coronaires, ce qui entraîne un manque d'oxygène pour le myocarde. Souvent, la présentation clinique offre un indice (patient agité).

L'administration d'un bêta-bloquant dans ce cas est une erreur médicale. En effet, l'intoxication à la cocaïne entraîne une stimulation des récepteurs alpha et bêta. En administrant des bêtabloquants, l'effet sur les récepteurs alpha n'est plus compensé.

Le traitement de l'intoxication à la cocaïne consiste en l'administration de dérivés nitrés (pour lever le spasme coronarien), d'acide acétylsalicylique s'il n'y a pas de dissection aortique (pour inhiber la formation de thrombus) et de benzodiazépines, complétés par du diltiazem si nécessaire.

· Cardiomyopathie hypertrophique. Un ECG normal exclut cette affection presque avec certitude. Pour plus de détails, voir l'article Syncope.

· Myocardite. Il y a lieu de penser à la myocardite lorsqu'une personne à faible risque de cardiopathie ischémique présente une douleur thoracique persistante, généralement associée à une infection respiratoire/péricardite. L'élément d'exclusion est une valeur normale de troponine: l'absence d'élévation des troponines signifie qu'il n'y a pas de myocardite.

· Dissection aortique. Cette affection provoque une douleur thoracique soudaine et intense, qui irradie parfois - mais pas toujours - entre les omoplates. Les symptômes qui l'accompagnent peuvent faciliter le diagnostic, tels que les symptômes déficitaires (hémilatéraux ou défaillance des deux membres inférieurs). De même, la congestion des veines du cou (due à une tamponnade) chez une personne souffrant de douleurs thoraciques peut indiquer une dissection aortique, l'embolie pulmonaire étant un diagnostic différentiel. Les analyses de sang révèlent une augmentation des troponines et des D-dimères. "Pensez-y en cas de douleur thoracique soudaine et intense, surtout si l'ECG ne montre aucun signe de STEMI", indique le Pr Haine. "Dans ce cas, il ne faut pas administrer d'antiagrégants plaquettaires. Si l'auscultation révèle une insuffisance de la valve aortique, il faut également renoncer aux bêta-bloquants car ces médicaments prolongent la diastole et augmentent l'insuffisance de la valve aortique, ce qui entraîne une décompensation. Les dérivés nitrés permettent d'éviter une nouvelle déchirure due à l'élévation de la pression artérielle. Toutefois, ces médicaments ne doivent pas être administrés en cas de carotide congestionnée ou de tamponnade parce qu'ils pourraient entraîner une hypotension importante."

Le Pr Haine mentionne également l'angor de Prinzmetal, causé par un spasme des artères coronaires, qui survient le plus souvent chez les jeunes femmes sans facteurs de risque cardiovasculaire. La dissection spontanée des artères coronaires (SCAD), indépendante des facteurs de risque cardiovasculaire, est également observée chez les femmes en période de ménopause ou sous pilule. La survenue d'anévrismes des artères coronaires chez les jeunes après un Kawasaki transitoire est rare.

Objectifs d'apprentissage

La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec:

?? Les mesures à prendre chez un patient avec un STEMI ;

?? Le rationnel derrière ces mesures ;

?? Ce qu'il vaut mieux ne pas faire dans certaines circonstances chez un patient atteint d'un STEMI ;

?? Les principales causes non coronariennes des douleurs thoraciques ;

?? Le syndrome clinique, le diagnostic et les mesures à prendre dans ces affections non coronariennes.

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