
Santé dans les prisons : "Nous ne sommes pas un hôpital psychiatrique"
Kathleen Van De Vijver, porte-parole de la DG EPI (Direction générale des Établissements pénitentiaires), répond point par point aux critiques formulées par le médecin de prison Brecht Verbrugghe dans notre précédent dossier (lire jdM n°2798). Elle défend l’action du SPF Justice tout en appelant à un transfert rapide des soins vers le SPF Santé publique.
jdM : Pourquoi la Belgique continue-t-elle de confier les soins carcéraux au SPF Justice, alors que la majorité des pays européens les ont transférés au ministère de la Santé ?
Kathleen Van De Vijver : Le travail s'est historiquement développé de cette manière, mais cela doit changer. Déjà sous deux législatures précédentes (depuis 2019 – étude cabinet De Block), il a été décidé que les soins médicaux pour les détenus devraient relever de la Santé publique, de préférence le plus tôt possible. À cette fin, le travail se fait par phases et par le biais de projets pilotes : la phase 1 a été le basculement vers l’assurance maladie-invalidité pour les services médicaux hors EPI (établissement pénitentiaires) pendant la détention ; l’opération pilote "Drogues et détention", qui est passée de 3 à 10 institutions ; la première ligne, qui a été ajoutée au service médical et à laquelle le ministère de la Justice a également contribué par le biais de son propre personnel. La phase 2 est la préparation du déploiement dans l’assurance maladie-invalidité des services intérieurs (la prise en charge des médicaments en est la première partie).
Quelles mesures concrètes l'administration pénitentiaire a-t-elle prises pour garantir la confidentialité des consultations médicales en prison ?
La déontologie médicale s'applique également au sein des EPI : les contacts doivent être, selon la règle, confidentiels. Lorsque du personnel de sécurité est présent ou à proximité (à la demande du médecin ou en raison du régime de sécurité de la personne détenue), ce personnel est également tenu de respecter la confidentialité des entretiens. Si l'administration est informée de problèmes dans ce domaine dans une institution X ou Y, des mesures sont prises immédiatement.
QUOTE : « Nous considérons que les traitements ne devraient jamais être retardés pour des raisons financières. »
Existe-t-il un système structuré d'évaluation de la qualité des soins dans les établissements pénitentiaires ?
Il n’y a pas de système de contrôle de qualité à part entière.
Quelles sont les raisons pour lesquelles des soins pourtant prescrits (ex. hépatite C, opérations lourdes) ne seraient pas assurés ?
La Justice travaille avec des enveloppes budgétaires fermées, et les procédures pour obtenir des fonds supplémentaires ne sont pas faciles. Il n'existe pas de système de financement comme celui de l’Inami, d'où la nécessité de gérer les médicaments pendant la détention.
Nous effectuons toujours les traitements prescrits par un médecin. Il y a seulement eu un problème ponctuel avec le médicament coûteux contre l'hépatite C, pour lequel aucun budget n'était disponible à ce moment-là.
L’une des raisons pour lesquelles nous soutenons le transfert vers la Santé publique est justement que nous considérons que les traitements ne devraient jamais être retardés pour des raisons financières.
Ce qui se passe, c’est que nous travaillons avec des listes de médicaments. Ainsi, nous privilégions par exemple toujours les médicaments génériques et suivons des directives générales, comme celles concernant la prescription d'antibiotiques, telles qu'elles s'appliquent également en dehors de notre contexte. Pour nous, cela relève de la mise en œuvre d'une politique bonne et efficace.
Prévention, isolement, formation : que faire ?
Une politique de prévention du suicide existe-t-elle dans les prisons belges ?
La prévention est une compétence des Communautés. Leur responsabilité en matière de prévention ne s'arrête pas aux murs.
En plus, les lignes directrices internes de la DG EPI ont été élaborées. Une attention particulière a été accordée aux formations destinées aux agents, aux soins, au service médical et au SPS.
Comment justifiez-vous le manque de formation continue et d'encadrement pour les médecins de prison évoqué par le Dr Verbrugghe ?
Il existe tout un service de support au niveau central. Nous sommes tous facilement joignables et disponibles, et des réunions périodiques sont organisées dans chaque prison pour suivre la pratique. Il y a un coordinateur NL et un médecin coordinateur FR à Bruxelles (qui travaille également dans une prison), qui est facile à contacter. Depuis quelques mois, il y a également des coordinateurs régionaux actifs.
Il y a donc beaucoup de personnes à qui s'adresser en cas de questions ou de problèmes. D’ailleurs, le Dr Verbrugghe ne pose pas de questions, alors que ses collègues de Haren en posent. Tous les médecins ont la possibilité de s'inscrire aux différentes formations organisées par la DGZG, mais le nombre de participants est limité.
Quelles garanties sont apportées aujourd'hui pour éviter le placement en isolement de personnes psychiquement vulnérables sans évaluation médicale préalable ?
Tout placement en isolement pour des raisons disciplinaires ou de sécurité fait légalement l'objet d'un suivi médical quotidien ou à fréquence variable selon la nature de la mesure. Les résultats de ce suivi doivent être consignés dans des registres spécialement prévus à cet effet et dans le dossier électronique du patient.
Une prison n'est pas un établissement psychiatrique. Nous ne sommes donc pas l'endroit approprié pour accueillir des internés ou des personnes psychologiquement vulnérables et leur fournir les soins spécialisés dont elles ont besoin. Néanmoins, avec les moyens dont nous disposons, nous faisons de notre mieux pour les soigner correctement.
L'utilisation des cellules de sécurité n'est jamais faite à la légère ou de manière arbitraire. Nous n’y recourons pas par choix, mais parce que nous devons garantir la paix et la sécurité pour tous — détenus et personnel — dans des conditions particulièrement difficiles. Nous essayons toujours d'éviter leur utilisation.
Personne n'est placé en isolement sans une évaluation médicale préalable. Cela n'est pas seulement une exigence légale, mais aussi un élément essentiel pour le suivi de la situation. Le suivi médical reste garanti pendant toute la durée de l'isolement.
Continuité des soins et données médicales
Une base de données nationale sur la santé des détenus existe-t-elle, et si non, pourquoi ?
Le DPE (dossier patient) actuel, Epicure, ne le permet pas. Le déploiement du nouveau DOCUP Omnipro JustCare le permet. Le déploiement a commencé et la phase de test se déroule dans six prisons. C'est devenu opérationnel le 01/06/25 en fin d'après-midi. Nous avons donc été lancés.
Existe-t-il un dispositif de continuité des soins à la sortie de prison, en particulier pour les détenus atteints de pathologies chroniques ou psychiatriques ?
Le nouveau DPE est compatible avec l’e-santé, de sorte que les prestataires de soins externes peuvent accéder à ce qui a été mis en place pendant la détention.
À part cela, les services de l’EPI ne peuvent et ne doivent transférer des informations à des parties externes qu’après avoir obtenu le consentement explicite du détenu, qui souvent ne le donne pas parce qu'il ne veut pas que l'on sache qu'il a été en prison.
Lors de la libération, une copie du dossier médical est remise sur simple demande et les médicaments sont administrés de manière standard pendant 72 heures.