Vandenbroucke fait son fact checking
Le 4 juin, le cabinet Vandenbroucke transmettait un avant-projet de loi à l’ensemble des organisations du secteur des soins de santé. Ce texte, qui traduit plusieurs engagements de l’accord de gouvernement, touche à des points névralgiques du système : budget de l’Inami, conventionnement, lutte contre la fraude, concertation ou encore politique anti-tabac. Attendu, le texte a été immédiatement scruté, commenté, et parfois déformé, déplore le ministre.
« Le ministre veut éliminer les médecins qui coûtent cher », « médecine d’État », « Plus de pouvoir au ministre » … Dès les premiers articles parus dans la presse généraliste, les mots ont fusé. Autant de formules qui, selon Frank Vandenbroucke, traduisent une lecture « sans queue ni tête » de l’avant-projet. Pour rectifier le tir, son cabinet a publié une note explicative le 9 juin, tentant de rétablir les faits.
Car l’objet du texte n’est pas encore une loi figée : il s’agit d’un avant-projet, ouvert à concertation. Après plusieurs échanges préparatoires avec les acteurs de terrain, le ministre a souhaité « poser un cadre », en amont du débat de fond qui se tiendra, notamment, lors de la réunion du Comité de l’assurance de l’Inami le 23 juin prochain. « Nous demandons que toutes les critiques et questions soient transmises à ce comité, où elles seront discutées », insiste la note.
À travers ce texte, le gouvernement souhaite apporter plus de clarté, de prévisibilité et de cohérence dans des procédures parfois devenues illisibles – sans toucher aux grands équilibres du modèle actuel. Mais face aux crispations, le cabinet a jugé bon de revenir sur les grands principes de la réforme, et surtout, sur les nombreux malentendus qui circulent à son sujet.
Des réformes dans six domaines
Le projet de loi de réforme comprend six volets, qui se fondent tous sur l’accord de gouvernement :
- La manière dont le budget de l’assurance maladie est défini (le processus budgétaire)
- La manière dont les accords et les conventions avec les prestataires de soins et donc, les « tarifs », sont établis (le modèle de la convention)
- La manière dont la concertation est organisée au sein de l’Inami (le modèle de concertation)
- Les objectifs en matière de formalités administratives et de digitalisation dans les soins de santé (digitalisation)
- Les mesures visant à mieux lutter contre la fraude et les abus (contrôle de l’application)
- Les mesures contre le tabac et les vapes
De nombreux malentendus
Les malentendus sur ce texte sont nombreux, note le ministre, qui en a relevé quelques-uns :
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« Le ministre veut éliminer les médecins trop chers. »
Il n’a « aucun sens », juge Frank Vandenbroucke. Plutôt que s’attaquer aux médecins trop chers, le ministre parle de lutter contre la fraude à l’assurance maladie. « Une amende administrative ne dissuade malheureusement pas les experts de la fraude : désormais, une amende pourra être remplacée, sur la base d’une disposition clairement définie par une loi, par la suspension du numéro Inami. » Le numéro Inami sera également suspendu automatiquement lorsque la Commission fédérale de contrôle prononcera une interdiction temporaire ou définitive d’exercer la profession (exemple : les personnes qui ont une dépendance telle qu’elles représente un danger pour leurs patients, ou les personnes qui, malgré un diplôme, sont devenues des charlatans). À l’avenir, d’autres raisons pourraient provoquer le retrait du numéro Inami, mais pas le coût trop élevé d’un médecin, insiste Frank Vandenbroucke.
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« Désormais, une majorité des trois quarts sera nécessaire sur le banc des médecins, ce qui augmentera l’influence des petits syndicats de médecins. »
« Ce n’est pas vrai », explique le ministre dans sa note. Le projet de loi de réforme ne « change en rien les règles de majorité au sein de la commission médico-mutualiste, du Comité de l’assurance ou du conseil général ».
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« Plus de pouvoir au ministre » dans la concertation
« Ce n’est pas l’intention, et ce ne sera pas le résultat », rétorque Frank Vandenbroucke. Le projet de loi entend clarifier les règles de la concertation qui aujourd’hui sont jugées trop complexes. Mais la relation entre les pouvoirs publics et la concertation ne change pas fondamentalement.
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« Ceux qui adoptent une approche critique de la politique et veulent négocier librement risquent d’être sanctionnés par la perte de leurs moyens de fonctionnement. »
« Cette interprétation est également erronée », regrette Frank Vandenbroucke. Il rappelle entre autres que, dans un certain nombre de secteurs, un paramètre « nombre de conventionnés » est déjà prévu dans le financement des organisations professionnelles (par exemple, les pharmaciens, sages-femmes, kinésithérapeutes, logopèdes, technologues orthopédiques). Le projet de loi l’introduira également pour les médecins et les dentistes. « Il s’agit d’un des paramètres, rien de plus », détaille le ministre. « Toutefois, le financement global restera basé sur une contribution de base fixe par organisation. Mais celle-ci sera augmentée d’un paramètre relatif au nombre de membres/votes et d’un paramètre relatif au conventionnement. »
Inquiétudes
Outre les malentendus, les premières réactions révèlent également des inquiétudes.
C’est le cas pour le conventionnement par exemple. Frank Vandenbroucke tenter de rassurer : « Aujourd’hui, les prestataires de soins peuvent choisir d’adhérer ou non à une convention. Cette liberté individuelle n’est pas remise en cause. Le conventionnement reste un choix individuel et ne sera pas imposé. »
Reste que le projet de loi prévoit des incitations plus fortes pour les prestataires de soins qui respectent les tarifs et que certaines primes (comme la prime télématique ou la prime de pratique intégrée) puissent désormais uniquement être accordées aux prestataires de soins conventionnés.
La possibilité d’offrir un système de tarification plus souple aux prestataires de soins conventionnés fait également débat. L’objectif de Frank Vandenbroucke : offrir plus de flexibilité à des accords et conventions actuellement très rigides. « Cela peut constituer une solution temporaire pour inclure de nouveaux traitements innovants dans le remboursement, ou pour améliorer les honoraires sous-évalués, dans l’attente d’une augmentation des moyens budgétaires. » Par ailleurs, il reste possible de facturer des suppléments pour des exigences particulières.
Un point sensible de la proposition est la suppression du conventionnement partiel. « Le conventionnement partiel est une situation peu claire pour de nombreux patients. Nous préférons la flexibilité des tarifs cibles, qu’un médecin conventionné peut appliquer lorsqu’il le juge juste, à la situation du conventionnement partiel souvent très floue pour les patients », justifie Frank Vandenbroucke.
Dernière inquiétude soulevée : la limitation des suppléments.
« Les suppléments d’honoraires ne sont pas interdits ni supprimés », explique le ministre fédéral de la Santé. « Le principe des suppléments d’honoraires et du déconventionnement n’est pas remis en cause. » Toutefois, un pourcentage maximal « raisonnable » pour les suppléments d’honoraires est envisagé à partir de 2028, parallèlement à la mise en œuvre de la réforme prévue de la nomenclature pour les médecins. Ce plafond doit, d’une part, donner plus de sécurité tarifaire aux patients et, d’autre part, freiner les dépassements d’honoraires. « Avec cette mesure, nous voulons surtout nous attaquer aux excès en matière de suppléments, sans pour autant les interdire tous. Aujourd’hui, nous constatons des différences importantes et inexplicables dans le montant des suppléments (parfois jusqu’à 300 %). Ces écarts importants pèsent sur l’accessibilité des soins », conclut Frank Vandenbroucke.