Le journal du médecin

Comprendre le vécu des patients pratiquant le « chemsex » et leurs attentes par rapport aux médecins généralistes

Chemsex
© Getty Images

10 juin 2025 - Comprendre pour mieux soigner : une étude qualitative menée auprès des patients (HSH) en Belgique francophone.

Le « chemsex », fusion des termes « chemical » et « sex », désigne l’usage intentionnel de substances psychoactives dans un contexte sexuel, une pratique que l’on retrouve chez les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). Ce phénomène, bien que jugé tabou, est en expansion en Europe et soulève de nombreux enjeux de santé publique. Pourtant, il demeure peu abordé dans les soins de première ligne, en particulier en médecine générale.

Introduction

Ce travail vise à explorer le vécu de patients (HSH) pratiquant le chemsex en Belgique francophone afin de mieux cerner leurs attentes vis-à-vis des professionnels de soin de santé.

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Une étude qualitative a été réalisée à l’aide d’entretiens semi-dirigés auprès de participants (HSH) pratiquant le chemsex. Ces entretiens ont été analysés en suivant la méthode de l’analyse interprétative phénoménologique (IPA) pour comprendre en profondeur les trajectoires personnelles, les expériences de soins, les difficultés rencontrées et les besoins exprimés. Les résultats ont ensuite été présentés comme des épisodes de vie vécus par chaque participant : l’immersion dans le monde du chemsex, leurs motivations, les effets perçus à court et à long terme sur leur santé, la rencontre avec un médecin généraliste et leur rapport au système de soins. La discussion s’est construite comme un processus d’introspection, explorant les manières dont ils vivent cette pratique, les conséquences qu’ils identifient – ou non – et les attentes, parfois implicites, qu’ils nourrissent à l’égard des médecins généralistes.

Les motivations de cette pratique sont multiples et variées : recherche de désinhibition, intensification des sensations, exutoire face au stress quotidien. Les participants soulignent l’importance de la dimension sociale de cette pratique. Il semble que la substance consommée joue un rôle essentiel en facilitant l’intimité. Le chemsex est perçu comme une opportunité de créer du lien, de se sentir appartenir à un groupe, voire d’échapper à une forme de solitude affective ou identitaire.

Risques et attitudes

Si la pratique est associée à une forme de plaisir, elle s’accompagne également de risques significatifs : troubles du sommeil, fatigue intense, épisodes dépressifs, infections sexuellement transmissibles (IST), voire des surdosages accidentels (notamment liés à la consommation de GHB/GBL).

Les participants développent chacun différentes stratégies pour limiter l’impact de ces effets indésirables : connaissance des molécules et de leurs effets, calcul des doses, chronométrage entre les prises, choix du moment et de l’environnement, préparation d’un « rituel de descente », sélection de partenaires jugés fiables… Ces éléments montrent une conscience claire des dangers liés à la consommation et une volonté de garder un certain contrôle sur la pratique. Pour plusieurs participants, cette organisation préalable est une condition indispensable.

Les participants soulignent l'importance de renforcer la formation des médecins généralistes sur le sujet.

En matière de soins, les participants ont une préférence pour les infectiologues dans des centres spécialisés, perçus comme mieux formés et plus familiers avec leurs réalités. À l’inverse, la médecine générale reste peu sollicitée : peur du jugement, sentiment d’ignorance de la part des soignants, absence d’un climat de confiance. Plusieurs confient dissimuler leur pratique. Néanmoins, les participants reconnaissent le rôle fondamental que pourrait jouer le médecin généraliste s’il adoptait une posture ouverte, empathique et informée.

Rôle du MG

L’étude met en lumière une ambivalence entre le désir de continuer une pratique perçue certes comme dangereuse mais enrichissante sur le plan social et sexuel. Les participants soulignent l'importance de renforcer la formation des médecins généralistes sur le sujet et de favoriser une approche empathique, pluridisciplinaire, en partenariat avec la communauté LGBTQIA+.

Ce travail invite à repenser le rôle du généraliste comme premier relai possible, non seulement dans la gestion des symptômes physiques ou psychologiques liés au chemsex, mais aussi comme acteur clé de la prévention et du lien. Notre souhait est qu’il puisse peut-être permettre d’ouvrir la discussion lors d’une de vos prochaines consultations. Nous pourrions en apprendre davantage sur les réalités de nos patients en les écoutant, tout simplement. 

Promoteur : Dr Fabian Colle (avec la Dre Isabelle Moureaux)

logo Prix GénéralistePour la 24e année consécutive, Le journal du Médecin organise, en partenariat avec la SSM-J (la section qui, au sein de la SSMG, s'adresse plus particulièrement aux jeunes médecins généralistes), le « Prix du Généraliste », qui vise à faire connaître et à récompenser les travaux de fin d'études de jeunes médecins francophones sélectionnés par leurs universités (ULB, UCLouvain et ULiège), dans le cadre de leur master de spécialisation en médecine générale (promotion 2023-2024).
Vous découvrirez les différentes candidates (que des jeunes femmes, cette année)  au fil de nos éditions, ainsi que sur notre site : www.lejournaldumedecin.com. Deux prix seront attribués, et décernés lors de la journée annuelle « jeunes médecins » organisée l'automne prochain par la SSM-J : d'une part, un prix décerné par la SSM-J, et de l'autre, le prix des lecteurs et lectrices du journal du Médecin, qui voteront en ligne pour le TFE qui aura le plus retenu leur attention.

Qui êtes-vous, Docteure Naajiyah Kathrada ?

En entamant mes études de médecine, je rêvais d’exercer dans des contextes de guerre ou d’intervenir dans des zones en crise humanitaire. J’avais des envies de voyages, un fort besoin d’engagement et la volonté de soigner là où l’injustice se faisait le plus sentir. Avec le temps, mes aspirations ont évolué et j’ai réalisé que l’engagement pouvait prendre des formes très diverses. Aujourd'hui, j’exerce à Bruxelles, principalement au Centre médical des oliviers à Molenbeek-Saint-Jean. J’y ai trouvé un environnement bienveillant et tissé des liens solides, notamment avec mon ancienne maître de stage devenue une véritable mentor. J’avais débuté mon assistanat par un stage en gériatrie à la Clinique Saint-Jean, puis intégré une maison médicale au forfait dans les Marolles.

Dre Naajiyah Kathrada
© Thierry Strickaert

Je travaille comme médecin examinateur pour l’ASBL Constats où je rédige des rapports médicaux circonstanciés pour les demandeurs d’asile victimes de torture. J’ai travaillé dans des plannings familiaux, je fais aussi des consultations à l’ONE et je collabore ponctuellement avec Médecins sans frontières dans un projet lié aux centres fermés. J'aime travailler auprès de publics diversifiés, parfois en situation de précarité, souvent confrontés à des trajectoires de vie complexes. Ces expériences forgent mon identité professionnelle et ma pratique, ancrées dans une approche globale et collaborative du soin. J’ai eu l’opportunité de contribuer à l’élaboration d’un module sur la prise en charge des personnes en exil et sur les violences sociétales (ULB), et j’ai animé un atelier sur le thème du chemsex dans le cadre de ma formation en anthropologie médicale à l’UCLouvain. Ces expériences m’ont permis de relier mes terrains de pratique à des espaces de réflexion partagée, c'est stimulant !

J’éprouve par moments un sentiment d’impuissance face aux déterminants sociaux de la santé : précarité, isolement, violences sociétales… autant de réalités qui dépassent le cadre médical, mais qui traversent nos consultations au quotidien. Être médecin généraliste, c’est accepter de ne pas tout savoir, reconnaître ses limites et savoir s’entourer lorsque cela semble nécessaire. L’humilité et la tempérance sont deux qualités fondamentales. C’est aussi être capable de faire un pas de côté, de questionner ses propres limites et ses croyances, afin d’offrir une écoute réellement ouverte. La médecine générale demande une posture souple, capable de s’ajuster à la singularité de chaque patient, sans projeter de réponses toutes faites. J’ai beaucoup hésité au moment du choix de spécialisation, notamment avec la médecine interne et la gynécologie-obstétrique. Mon choix s’est finalement porté sur la médecine générale car elle combine une approche intellectuelle et réflexive, tout en laissant la possibilité d’intégrer, si on le souhaite, des actes plus techniques. Elle permet également un accompagnement longitudinal des patients, dans leur quotidien, à travers toutes les étapes de leur vie, en tenant compte à la fois de leurs vulnérabilités et de leurs ressources. 

« Je rédige actuellement le TFE de ma formation en anthropologie médicale sur le vécu des professionnels de santé dans les centres fermés. »

Je n’imaginais pas à quel point la médecine générale pouvait offrir une telle liberté d’évolution ! Je n’avais pas d’idée très précise de ce que serait ma pratique future, mais j’étais portée par une curiosité, une envie de m’impliquer et mes valeurs, bien présentes. J’ai découvert un métier profondément humain, qui permet de croiser des dimensions cliniques, sociales, éthiques, mais aussi des approches issues d’autres disciplines comme l’anthropologie. J’ai hâte de voir comment la MG va évoluer, de me former encore, d’ouvrir de nouvelles portes... Je l’espère plus inclusive, transversale et attentive aux déterminants sociaux et environnementaux qui influencent la santé. J’aimerais qu’elle continue à se réinventer, à s’ouvrir à d’autres disciplines et formes de savoir, tout en conservant son ancrage humain. Pour cela, il me semble indispensable que la médecine générale soit mieux reconnue et valorisée.

Je souhaite entamer une thèse de doctorat portant sur l’intégration des thérapies assistées par psychédéliques dans un cadre clinique et éthique en Belgique. Mon idéal serait, dans les prochaines années, de combiner exercice clinique et activités de recherche et d’enseignement. Je rédige actuellement le TFE de ma formation en anthropologie médicale sur le vécu des professionnels de santé dans les centres fermés. Je travaille à la valorisation de mon TFE de MG consacré au chemsex, avec l’objectif de publier prochainement pour sensibiliser un plus grand nombre de soignants.

Originaire de l’île Maurice, je suis passionnée par les voyages. Dès que je peux, je pars à la recherche du soleil, de la mer et de paysages qui me ressourcent. Je pratique le yoga, le pilates et le cycling, qui m’aident à relâcher la pression du quotidien. Lors des moments plus calmes, je peins à l’aquarelle, une activité qui me permet de me recentrer autrement, sans pression ni objectif. Mon compagnon et nos deux chats représentent un repère essentiel dans ma vie.

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Écrit par Dre Naajiyah Kathrada (UCLouvain)
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