Recommandations thérapeutiques revues pour l'apnée centrale du sommeil
CONGRÈS ERS Les arrêts respiratoires fréquents peuvent perturber considérablement le sommeil. Dans la variante obstructive de l'apnée du sommeil (AOS), il y a un blocage mécanique des voies respiratoires. Dans l'apnée centrale du sommeil (ACS), il y a un dérèglement des signaux cérébraux qui contrôlent la respiration. Lors du congrès de l'ERS, les nouvelles connaissances sur le traitement de l'ACS ont été résumées.
L'accent a été mis principalement sur les déclarations récemment publiées par l'European Respiratory Society concernant le traitement de l'AOS par ventilation servo-assistée adaptative (VSA). La VSA est une forme avancée de ventilation non invasive qui adapte l'assistance en pression à chaque cycle respiratoire afin de stabiliser le schéma ventilatoire.
Un certain nombre de recommandations thérapeutiques ont été revues et ajoutées, sur base de recherches récentes. Selon les directives actualisées, nous pouvons aujourd'hui utiliser la VSA de manière plus large dans le traitement des syndromes d'apnée centrale du sommeil. Un certain nombre d'options thérapeutiques alternatives pour l’ACS ont également été discutées, telles que la chirurgie, un neurostimulateur et le dispositif d'entraînement à la position pour dormir.
Une pathologie complexe
Une chose est sûre : la physiopathologie de l’ACS est très complexe, et ses causes sous-jacentes sont multiples. Le plan de traitement doit donc être personnalisé en fonction de l'étiologie, pose d’emblée le Pr Winfried Randerath, professeur à l'Université de Cologne et pneumologue spécialisé en médecine du sommeil.
L’ACS peut ainsi être liée à des affections telles que l'insuffisance cardiaque, les accidents vasculaires cérébraux ou les maladies nerveuses et musculaires, qui influencent et désorganisent chacune à leur manière les centres respiratoires du cerveau. Certains médicaments, tels que les opioïdes, peuvent également supprimer ces signaux cérébraux. Il existe également l'apnée centrale du sommeil émergente du traitement (TECSA), dans laquelle des événements respiratoires centraux surviennent chez les patients traités par thérapie par pression positive (PAP) pour l'apnée obstructive du sommeil. Le mal des montagnes peut également provoquer une ACS : la baisse du taux d'oxygène agit sur les chimiorécepteurs et provoque un rythme respiratoire irrégulier avec hyperventilation et apnées centrales. Enfin, il existe une forme primaire ou idiopathique d’ACS, dont la cause reste inconnue.
Population avec insuffisance cardiaque
La cause la plus fréquente d’ACS est l'insuffisance cardiaque. Quelque 50 % des patients atteints d'insuffisance cardiaque souffrent de troubles respiratoires liés au sommeil. Dans la moitié des cas, il s'agit d'ACS (également appelée respiration de Cheyne-Stokes).
Cela affecte la qualité de vie et le fonctionnement au quotidien et peut avoir une incidence sur les chances de survie. « La VSA est le traitement le plus efficace contre l'apnée centrale du sommeil », explique le Pr Randerath, « mais son utilisation est limitée depuis plus de dix ans, car une étude [1] avait montré que la VSA avait un impact négatif sur les chances de survie des patients souffrant d'insuffisance cardiaque et d'une fraction d'éjection réduite (HFrEF). L'ERS a désormais révisé ces restrictions, sur la base de nouvelles découvertes scientifiques issues d'ECR, d'études observationnelles et de méta-analyses menées au cours de la dernière décennie, qui démontrent l'efficacité et surtout la sécurité du traitement. »
« Quelque 50 % des patients atteints d'insuffisance cardiaque souffrent de troubles respiratoires liés au sommeil. »
Recommandations mises à jour
La Pre Esther Irene Schwarz, pneumologue à l'hôpital universitaire de Zurich, a expliqué les nouvelles déclarations de l'ERS concernant le traitement par VSA [2], ainsi que les recommandations cliniques énoncées par l'American Academy of Sleep Medicine (AAMS) [3].
Les experts [2] affirment que la VSA est efficace pour réduire l’ACS et que le traitement améliore considérablement l'architecture du sommeil et la qualité de vie. Cela vaut pour les différentes formes d’ACS. Les techniques et appareils VSA actuels n'ont aucun impact négatif sur la mortalité ni sur la prévention des événements cardiovasculaires graves. Dans certains sous-groupes (par exemple dans l'insuffisance cardiaque systolique sévère, en particulier avec une FEVG < 30%), la prudence reste toutefois de mise et le traitement doit être effectué dans un centre expérimenté.
De toute façon, il convient avant tout de traiter la cause sous-jacente de l’ACS (insuffisance cardiaque, trouble neuro-respiratoire, médicaments, etc.) et de n'utiliser la VSA que lorsque la thérapie CPAP s'avère insuffisante. Le phénotypage des patients atteints d’ACS, dans le cadre d'une prise en charge centrée sur le patient, doit être une priorité.
Les suggestions de l'AAMS [3] sont similaires en ce qui concerne le traitement par VSA. En outre, l'utilisation de l'acétazolamide par voie orale, l'oxygénothérapie à faible débit et la stimulation transveineuse du nerf phrénique (TPNS ou transvenous phrenic nerve stimulation) sont également mentionnées.
Un tournant majeur
Le Pr Johan Verbraecken, coordinateur médical du Centre multidisciplinaire du sommeil de l'UZ Antwerpen et président de l'European Sleep Research Society (ESRS), a donné quelques explications sur cette dernière technique dans son exposé. Il parle lui-même d'une véritable avancée. Dans le cadre de la TPNS, un fil de stimulation est placé dans le système veineux et rapproché du nerf diaphragmatique. De cette manière, des stimuli sont envoyés au diaphragme afin de stabiliser le rythme respiratoire.
Bien qu'il s'agisse d'un traitement plus invasif et coûteux, la TPNS permet une normalisation immédiate et durable de la respiration pendant le sommeil. Elle entraîne une nette amélioration de l'indice d'apnée/hypopnée (IAH), de l'indice d'arousal et d'un certain nombre d'autres paramètres qui caractérisent la qualité du sommeil. La TPNS agit à la fois sur la composante centrale et sur les composantes obstructives et mixtes de l'apnée du sommeil. Elle réduit également la charge hypoxique et rétablit le rythme cardiaque nocturne, qui peut être irrégulier en raison de l'apnée du sommeil.
Les alternatives
Une vision totalement différente consiste à considérer que l’ACS, tout comme l'AOS, peut être corrigée par la chirurgie. Des recherches menées auprès de jeunes enfants obèses (3-8 ans) montrent qu'une adéno-amygdalectomie peut remédier à l’ACS. Un résultat similaire a été décrit après un avancement maxillo-mandibulaire (AMM) chez des patients néerlandais atteints d'AOS et d’ACS. Les apnées centrales et mixtes ont également pu être améliorées, passant de 25 à 1 par heure. Cela ouvre de nouvelles perspectives et montre que l’ACS ne doit pas nécessairement être un critère d'exclusion pour un traitement chirurgical de l'apnée du sommeil.
L’ACS peut également dépendre de la position. « Il s'agit d'un phénotype spécifique d’ACS, mais qui est peut-être plus fréquent que nous ne le pensons actuellement », relève le Pr Verbraecken. Un entraîneur de position de sommeil est un petit appareil que le patient porte autour de la poitrine pendant son sommeil. Lorsque l'appareil détecte que le patient est allongé sur le dos, il se met à vibrer doucement. Le patient apprend ainsi à dormir sur le côté ou sur le ventre. Des recherches récentes montrent que cette ‘intervention’ minimale réduit déjà considérablement l'IAH, qui passe de 23 à environ 10 par heure. Ces options thérapeutiques alternatives pour l’ACS doivent bien sûr être étudiées plus en détail.
Références
1. Cowie MR et al. Adaptive servo-ventilation for CSA in systolic heart failure: SERVE HF trial. N Engl J Med. 2015;373(12):1095-1105.
2. Randerath WJ, Schiza SE, Arzt M, et al. European Respiratory Society and European Sleep Research Society statement on the treatment of CSA with ASV. Eur Respir J. 2025;66(2):2500263.
3. Badr MS et al. Treatment of CSA in adults: an American Academy of Sleep Medicine clinical practice guideline. J Clin Sleep Med. 2025;Online ahead of print. doi:10.5664/jcsm.11858.