Biomédicaments dans l’asthme: état des lieux et perspectives
CONGRÈS ERS Les biomédicaments et leur rôle croissant dans le traitement des maladies inflammatoires des voies respiratoires, telles que l’asthme.
Pour comprendre le rôle des biomédicaments (anticorps monoclonaux ou mAbs) dans les affections respiratoires, il convient de se pencher un instant sur la pathophysiologie immunologique sous-jacente. Lors du congrès de l’ERS (European Respiratory Society) d’octobre dernier, la Pre Lena Uller (Université de Lund) a embarqué son auditoire au cœur des interactions complexes qui se jouent entre réponses immunitaires innées et adaptatives.

Une cascade de réactions
Les réactions inflammatoires des voies respiratoires se caractérisent par une multitude d’interactions entre le système immunitaire inné, qui assure une réponse rapide (en quelques minutes), et le système immunitaire acquis, plus lent (quatre à sept jours), qui implique les lymphocytes T et B. Ces interactions, médiées par les cellules dendritiques, aboutissent à une réponse allergique de type II classique, où les lymphocytes T se différencient en cellules Th2 productrices de cytokines (IL-5, IL-4 et IL-13, entre autres).
Cela entraîne une cascade de réactions responsables au final des symptômes typiques de l’asthme allergique : production de mucus, contraction des muscles lisses, bronchoconstriction, hyperréactivité bronchique et wheezing. Lorsque les corticoïdes inhalés ne suffisent plus à contrôler la réponse cellulaire T, l’on peut recourir à des biomédicaments sous forme d’anticorps monoclonaux, qui ciblent principalement les cellules Th2 du système adaptatif.
Les biomédicaments dans l’asthme
Selon le Pr Guy Brusselle (UZ Gent/Erasmus MC Rotterdam), qui s’est également exprimé lors du congrès, l’apport des biomédicaments constitue un tournant majeur dans le traitement de l’asthme.
Les formes sévères d’asthme, qui concernent 5 à 10 % des patients, s’accompagnent d’une moins bonne qualité de vie, d’effets secondaires liés à la prise de corticoïdes oraux et d’une mortalité accrue. Elles engendrent également, vu les hospitalisations fréquentes, des coûts de santé plus élevés.
Phénotypes
On distingue deux phénotypes en fonction de l’âge d’apparition de l’asthme : l’asthme pédiatrique, avec une forte composante allergique, et l’asthme d’apparition tardive, moins allergique, souvent d’étiologie différente (associé au tabagisme ou à l’obésité, par exemple).
La pathophysiologie sous-jacente permet de faire une seconde distinction: en fonction de la présence élevée ou non de certains biomarqueurs spécifiques, on parle d’asthme de type 2 « élevé » ou « faible ». Ces biomarqueurs sont d’une part une éosinophilie élevée et IL-5 circulante, et d’autre part une fraction FeNO (test d'oxyde nitrique exhalé fractionné) avec des taux élevés d’IL-13 dans les voies respiratoires. Il s’agit donc de deux cytokines distinctes (IL-5 et IL-13), présentes dans deux compartiments différents (circulation sanguine et voies respiratoires). Si l’une ou l’autre, voire les deux, sont élevées, il s’agit d’un asthme de type 2 élevé ; si elles sont peu présentes, on parle alors d’asthme de type 2 faible. En présence d’un type 2 élevé, le risque de crises est quatre fois supérieur.
« Les études montrent, globalement, une réduction moyenne de 50 % des crises d’asthme et une amélioration significative de la qualité de vie. »
Six mAbs
La prise en charge de l’asthme suit un schéma progressif (« step-up ») [1], au cours duquel les biomédicaments n’interviennent qu’en dernier recours. L’équipe du Pr Brusselle a participé à différents essais cliniques. Selon lui, « même s'il s'agissait d'études contrôlées en double aveugle, on percevait très bien qui, parmi les patients, recevait la molécule active ou le placebo. » Les études montrent, globalement, une réduction moyenne de 50 % des exacerbations et une nette amélioration de la qualité de vie.
Six mAbs sont disponibles à l’heure actuelle :
- Les mépolizumab, reslizumab et benralizumab, avec un effet anti-IL-5 ;
- Omalizumab : effet anti-IgE;
- Dupilumab, un antagoniste du récepteur IL-4α;
- Tézépelumab, avec un effet anti-TSLP (lymphopoïétine stromale thymique)
‘ABCDE’ comme moyen mnémotechnique
L’efficacité diffère selon les patients. Le mépolizumab et le benralizumab sont plus efficaces dans les formes d’asthme à début tardif. Le dupilumab affiche une réduction plus forte des exacerbations en présence d’une éosinophilie et d’un FeNO élevés. Le tézépelumab a un effet similaire avec, en outre, un léger bénéfice même à très faible taux d’éosinophiles et de FeNO, contrairement au dupilumab.
Pour s’assurer de choisir la bonne molécule, il est recommandé de s’appuyer sur l’acronyme ‘ABCDE’ :
- Âge : âge du patient et, surtout, âge d’apparition de l’asthme ;
- Biomarqueurs : taux d’éosinophiles et FeNO ;
- Comorbidités ;
- Dosage: intervalle d'administration ;
- Exacerbations : nombre d’exacerbations [2].
Par ailleurs, d’autres facteurs augmentent les chances de rémission clinique sous biomédicaments, tels qu’un IMC bas, l’absence de comorbidités telle qu’une obésité ou de l’ostéoporose, et l’absence de traitement de fond par corticoïdes.
Quelles perspectives ?
Le Pr Guy Brusselle identifie trois tendances majeures :
1. L’implémentation d’interventions plus précoces dans les formes sévères d’asthme afin de prévenir les crises et limiter les lésions ;
2. Le développement de mAbs avec des demi-vies plus longues, et donc à intervalles de traitement plus espacés (par exemple le dépémokimab, un nouvel mAb en injection SC tous les six mois) ;
3. Le développement d’anticorps bi- ou trispécifiques et nanomatériaux ciblant simultanément différentes cytokines (à l’instar du lunsekimig, actif à la fois contre l’IL-13 et le TSLP).
Références
1. GINA 2025, Box 4-6. Global Initiative for Asthma, www.ginasthma.org.
2. Brusselle GG, Koppelman GH. Biologic Therapies for Severe Asthma. N Engl J Med. 2022;386(2):157-171. doi:10.1056/NEJMra2032506