[COVER A]
« Il faut remettre le soin au centre »
La Vice-présidente de la Mutualité chrétienne, Elise Derroitte comprend la réaction des médecins à propos du budget. « Il a fallu trouver très rapidement des économies. Dans la structure du budget, il est difficile de chercher des économies en dehors des trois grands secteurs : la pharma, les hôpitaux et les médecins. » Quant à sacrifier l’extra-muros, elle défend les patients, moins protégés financièrement en-dehors de l’hôpital.
Ce qui frappe cette année, c'est que les syndicats médicaux et les hôpitaux (qui parlent de 160 millions d'économies indirectes) étaient en état de choc sur les économies demandées. Vous avez voté pour le budget. Comprenez-vous leur désarroi ?
Elise Derroitte : Oui, bien sûr que nous comprenons leur réaction. La proposition se fait dans le cadre de la « lettre de mission », qui cadre d'où doivent venir les économies. Nous n'étions pas du tout favorables à cette lettre au départ, car nous trouvons que cela limite la capacité de négociation de la gestion paritaire. Une fois ce cadre budgétaire établi, nous avons cherché une proposition équilibrée basée sur les soins appropriés, pour que le patient ne paie pas plus cher pour la même qualité de soin. Les économies ciblent les soins inappropriés (CTscan, biologie clinique). Dans la structure du budget, il est difficile de chercher des économies en dehors des trois grands secteurs : la pharma, les hôpitaux et les médecins.
Quand les médecins disent que ces économies ne sont pas vraiment Evidence-Based Medicine et qu'elles sont trop linéaires, que répondez-vous ?
J'ai entendu deux choses. Les médecins et les hôpitaux ont jugé que les mesures proposées (y compris chez les radiologues et en biologie clinique) étaient des mesures pertinentes. Les débats ont donc plus porté sur la légitimité d'aller chercher autant d'argent que sur la pertinence. Il y a certes eu des mesures plus linéaires. Nous avons été rattrapés par la vitesse avec laquelle on devait faire des économies, par rapport aux évolutions à plus long terme comme la réforme hospitalière ou la nomenclature.
Que répondez-vous à l'Absym quand elle dit qu'on sacrifie l'extramuros, qui est nécessaire pour désengorger les hôpitaux ?
Dans le virage ambulatoire, beaucoup d'attention a été mise sur la protection du patient à l'intérieur de l'hôpital (interdiction des suppléments sur les chambres à deux lits). Or, ce déplacement vers l'ambulatoire protège beaucoup moins le patient car la régulation des suppléments y est moindre. Nous sommes favorables à ce que des choses sortent de l'hôpital, à condition que le patient soit protégé dans son droit et ait accès à une activité conventionnée. Un virage complet sans régulation sur l'accessibilité à un tarif conventionné exclut une grande partie des patients, surtout les plus précarisés.
On attaque les suppléments alors que les grandes réformes (nomenclature, frais de fonctionnement) n'ont pas abouti. Problème ?
Dans un monde idéal, on préférerait que ces réformes aboutissent pour avoir une vision d'ensemble, car elles vont vraiment de pair. Il y a un besoin de transparence sur les rétrocessions. Ce travail doit aboutir à une réforme structurelle du financement hospitalier pour éviter d'utiliser les honoraires pour payer l'hôpital, ce qui peut mener à démultiplier les actes.
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