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Dr Patrick Emonts (Absym) : "La réforme du conventionnement de M. Vandenbroucke va dans la mauvaise direction"

Élu récemment à la tête de l’Absym, le Dr Patrick Emonts regrette que la réforme du conventionnement contenue dans la dernière loi programme de Frank Vandenbroucke fasse aussi peu de cas de la médecine libérale. « Le système belge, mixte et souple, a pourtant montré ses qualités. Le NHS, lui, est en faillite. Le ministre qui a obtenu un doctorat en Grande-Bretagne, devrait le savoir. » La base risque de le prendre mal.


le journal du Médecin : Tout d’abord, félicitations pour votre élection. Dans quel contexte avez-vous pris vos fonctions ?

Dr Patrick Emonts, président de l'Absym : Merci. Mais c’est un moment très compliqué. Ce n’est pas facile. On est dans une période charnière, très tendue, où les décisions du ministre Vandenbroucke risquent de bouleverser le système de santé.

Le ministre veut en effet rendre la déconvention plus contraignante, et vise un taux de conventionnement élevé. Que répondez-vous ?

Je suis sans agressivité aucune. Mais je crains qu’il veuille clairement aller vers une situation où seuls les médecins conventionnés existeraient encore. Il veut supprimer le conventionnement partiel, qui est pourtant essentiel pour de nombreux médecins hospitaliers. Cela pourait désorganiser les soins et rallonger les délais de rendez-vous. C’est une logique d’économiste, pas une logique de terrain.

Peut-on parler même d’une vision collectiviste de la médecine ?

Complètement. C’est une médecine d’État, à l’image du NHS anglais, qui est aujourd’hui en faillite. Notre système fonctionne bien, il attire des patients étrangers. Pourquoi le détricoter ? L’accessibilité existe déjà. Il faut s’interroger sur les causes des délais, pas tout chambouler

En plus, le ministre conditionne l’indexation des honoraires à un taux de convention donné…

C’est un mauvais signal. Mais l’indexation annoncée est dérisoire, à peine 1,8 %. Ce n’est pas ça qui convaincra les médecins. Il faut rendre la convention attractive, revaloriser l’acte intellectuel. Aujourd’hui, un gynécologue reçoit une patiente pour 32 € brut. C’est intenable quand il faut en plus assumer des frais élevés en extra-hospitalier (équipement, secrétariat, informatique, RGPD...).

Pourtant, ce gouvernement se voulait libéral… avec Bouchez et De Wever…

Oui, mais Vooruit (le parti de Vandenbroucke) est dans la majorité. Et tout le monde sait que c’est grâce à eux que la coalition a tenu. Le ministre va au-delà de l’accord de gouvernement, et je pense que même dans les partis plus à droite, certains s’en inquiètent. Le ministre n’a rien à perdre : il est en fin de carrière politique, veut aller vite, et agit sans réelle concertation. Nous, nous cherchons d’autres solutions.

Comment allez-vous réagir ?

Le ministre dépasse les engagements de l’accord de gouvernement et que nous voyons là un risque grave de destruction de notre système de santé. Nous savons que les deux partis dominants de la coalition Arizona ne veulent pas aller dans cette direction.

Il veut aussi plafonner les suppléments d’honoraires avant même que la réforme du financement hospitalier soit implémenté…

On ne peut pas imposer une nouvelle convention stricte alors que la réforme de la nomenclature est prévue pour 2028, que la réforme de la co-gouvernance hospitalière n’est pas passée, et que les pseudo-compensations n’existent pas encore. Sa réponse ? « On ne peut pas attendre ». Mais ce n’est pas sérieux.

Une mesure très controversée concerne aussi le retrait du numéro Inami. Que s’apprête-t-il à faire ?

Il veut se donner le droit de retirer le numéro Inami à un médecin qui ne suit pas la ligne conventionnelle. Ce n’est plus du disciplinaire, c’est une forme d’autoritarisme, une confusion grave entre exécutif et législatif. Ce genre de gouvernance rappelle de sombres régimes…

Il veut aussi conditionner le financement des syndicats au taux de conventionnement... Cela fait partie d'une stratégie globale ?

Exact. Il supprime un contre-pouvoir démocratique, ce qui est dangereux. Cela fragilise l’équilibre du système. La démocratie a besoin d’une voix indépendante pour fonctionner.

Un dernier message ?

Nous ne sommes pas dans l’agressivité, mais dans la sidération. Ce que nous voyons, c’est une médecine libérale attaquée sans raison valable. Nous voulons garder la porte du dialogue ouverte, même si nous avons l’impression d’avoir affaire à quelqu’un qui agit dans le cadre d’une démarche idéologique. Mais nous ne voulons pas d’un clash, nous voulons préserver ce qui peut l’être et conserver le dialogue avec le ministre pour lui ouvrir les yeux.

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Écrit par Nicolas de Pape
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