"Comprendre le budget du forfait pour en discuter sereinement" (précision)
Trois MG actifs en maison médicale souhaitent répliquer à notre article intitulé « Le Comité de l’assurance de l’Inami rejette la proposition de budget » paru le 6 octobre 2025. Dans cet article nous évoquions un commentaire du Cartel taxant les maisons médicales de « chouchous »…
Nous publiions le commentaire du Cartel suivant : « Le refus d’aborder certaines lignes budgétaires de l’Inami - soins transversaux, New Deal, maisons médicales – pourtant responsables d’un dépassement proportionnellement plus important – est révélateur. Les « chouchous » du cabinet et des mutualités sont inouchables, malgré leurs dérives budgétaires ou leurs problèmes de mise en œuvre. »
Trois MG actifs en maison médicale (le Dr Pierre Sasse est "permanent politique" à la Fédération des maisons médicales) nous prient de publier la note explicative suivante :
-Le forfait coûte-t-il plus que l’acte ?
Le forfait ne coûte pas plus que l’acte à l’Inami dans une vision globale des soins. En effet, si l’on compare uniquement les dépenses au forfait et à l’acte, on constate qu’un patient coûtera plus cher à l’Inami s’il est au forfait. Cependant, plusieurs études (KCE 2008 (1), AIM 2017 (2), KPMG 2018, IWEPS 2019 (3)) ont montré que ces dépenses étaient compensées par le fait que les patients suivis au forfait étaient moins hospitalisés, moins institutionnalisés et consommaient moins de soins de seconde ligne.
-Les dépenses du forfait dérapent ?
Seuls trois éléments font varier le budget du forfait :
Le nombre de patient suivis forfait : plus il y en a, plus cela coûte de l’argent. C’est logique. S’il y a plus de patient au forfait, il y en a de facto moins à l’acte. L’augmentation du forfait lié à cette variable correspond davantage à un déplacement qu’à un dépassement. Les dépenses de l’actes sont déplacées au forfait.
L’indexation (comme les autres soignants) : nécessaire pour absorber l’augmentation des coûts de la structure.
Le case-mix : c’est-à-dire le type de patientèle soignée dans l’ensemble des maisons médicale. Il est défini selon 43 variables, dont l’impact de chacune est calculé sur les dépenses à l’acte pour les patients ayant ces caractéristiques. Si la patientèle au forfait est davantage malade, âgée ou désavantagée socialement, le budget est plus élevé.
Les estimations techniques, c’est-à-dire les prévisions des dépenses pour chaque secteur de soins, ne servent qu’à prévoir et à suivre l’attractivité du système pour les soignants et les patients. Si les chiffres réels dépassent ces estimations, cela signifie simplement que davantage de patients – ou des patients avec un profil plus lourd – ont choisi le forfait. Ce n’est pas un abus mais un simple déplacement de coûts au sein du financement des soins. L’évolution du nombre de patients au forfait est plus rapide que linéaire donc des estimations linéaires tomberont toujours, trop court.
-Comment savoir si le forfait est en dépassement si les estimations techniques ne le permettent pas ?
Tant qu’il continue à permettre à l’INAMI de réaliser des économies suffisantes sur d’autres dépenses de soins, le budget peut continuer à croître. Il ne représente pas une menace pour la sécurité sociale. C’est donc important de continuer d’évaluer le forfait, comme le KCE le fait actuellement.
Si les structures au forfait n’investissent plus leurs bénéfices dans de nouveaux projets de soins, qu’elles n’ancrent pas leur pratique dans un projet de santé préventif qui permet de réduire la consommation de soins de leur patientèle, il y a un risque que les dépenses de l’INAMI augmentent à cause du forfait. Il est donc important d’encadrer l’utilisation du forfait pour garantir cet investissement dans la santé. Par exemple, la fédération des Maisons Médicales a proposé qu’une structure au forfait soit légalement obligée d’être composée en ASBL afin que ses bénéfices soient réinjectés dans l’objet social de l’ASBL (la santé).
-Le forfait ne doit donc pas participer aux économies ?
Si, cependant des économies sont imposées à tous les secteurs du soin, il est évident que les pratiques au forfait doivent participer, de manière équivalente au reste des secteurs. Tout en sachant que diminuer le budget du forfait, c’est également diminuer l’investissement possible dans des projets de soin qui permettent la diminution de consommation de soins des patients, ce qui est l’objectif recherché. Il faut agir alors sur les montants par personne (per capita) pas sur la liberté de choix des patients.
Pour finir :
Rappelons pour finir qu’il est essentiel de permettre à chaque soignant et à chaque patient de faire le choix de son cadre de travail ou de soin. Les trois types de pratiques (acte, new-deal et forfait) ont tous leurs avantages et leurs inconvénients, cela les rend complémentaires. Et il apparaît essentiel, surtout dans cette période de pénurie et d’attaque sur la sécurité sociale, de se serrer les coudes.
1. https://www.kce.fgov.be/sites/default/files/2021-11/d20081027350.pdf
2. https://www.ima-aim.be/IMG/pdf/etude_ima-mm-_resume-20171205_fr.pdf
3. https://www.iweps.be/wp-contenthttps://static.pmg.be/uploads/2019/05/RR32-Executive-summary_MM_PLCP-Van-Tichelen.pdf