Les tendinopathies

Affections très courantes, les tendinopathies sont des lésions de surcharge, le plus souvent dues à une sollicitation trop intense ou prolongée du tendon. Un diagnostic posé tôt et une prise en charge adéquate permettent d'éviter l'aggravation et/ou la chronicité de la douleur.
s'aggrave et il y a un vrai risque de chronicité. D'où l'importance de diagnostiquer et de prendre rapidement en charge la tendinopathie."
Anamnèse et examen clinique
Pour ce faire, l'anamnèse doit débuter par un interrogatoire précis sur la douleur. Quand est-elle apparue? Est-elle constante ou variable? Qu'est-ce qui la majore ou la soulage? Il faut également tenir compte des facteurs de risque favorisant les tendinopathies: le diabète, l'hypercholestérolémie, les dysthyroïdies, l'hyperuricémie (goutte), les troubles buccodentaires, un déséquilibre alimentaire (un régime trop riche en protéines, par exemple), etc. "L'examen clinique doit évaluer le tendon et l'articulation concernés, mais aussi l'articulation adjointe", rappelle le Pr Kaux. "Des douleurs à l'étirement, à l'isométrie et à la palpation orientent vers une tendinopathie."
On a longtemps préconisé les infiltrations de corticoïdes dans la tendinopathie chronique, ce n'est désormais plus le cas.
Cela dit, il ne faut pas négliger le diagnostic différentiel. Une lésion musculaire, une atteinte neurologique périphérique (du nerf interosseux postérieur pour les épicondylites latérales, par exemple), les douleurs projetées d'une pathologie cervicale ou encore une maladie inflammatoire rhumatismale sont à envisager.
Quelle imagerie demander?
En général, le diagnostic repose sur les symptômes et l'examen clinique. En cas de doute ou pour exclure d'autres causes, une imagerie peut être ordonnée. "L'échographie est le"gold standard" pour confirmer une tendinopathie", rappelle le Pr Kaux. "Cet examen d'imagerie montre bien les tissus tendineux et, couplé à un Doppler, la néovascularisation. Elle permet aussi de visualiser les différents types de lésions.En effet, la pathologie est rarement homogène. Sur le même tendon peuvent se côtoyer une zone saine et une zone inflammatoire ; il peut y avoir une structure dégénérative ou épaissie (tendinopathie nodulaire), des fissures, des calcifications ou du tissu cicatriciel. Cela dit, il faut un ou une échographiste qui s'y connait bien en tendinopathie. À cet égard, l'IRM est moins "opérateur dépendant", mais elle n'est recommandée qu'en seconde intention pour exclure un diagnostic différentiel ou si une chirurgie est nécessaire, ou, éventuellement, en cas de rupture de certains tendons [2]."
Quant à la radiographie, elle n'est indiquée que pour rechercher essentiellement une composante osseuse, comme un conflit ou une maladie de Haglund [3].
Prudence avec les antidouleurs
Pour soulager la douleur, l'application locale de froid (cryothérapie) est utile en cas de lésions "aiguës". La prise de paracétamol est autorisée, "mais comme antidouleur stricto sensu si la douleur est trop importante, mais pas pour la supprimer pour pouvoir aller pratiquer l'activité sportive normalement!" précise le Pr Kaux. "Les AINS sont déconseillés ou alors en phase très aiguë, pendant trois à cinq jours maximum. Pour ma part, je n'en donne quasiment jamais. Outre leurs toxicités, les AINS, par définition, inhibent la réaction inflammatoire. Or, ce processus naturel prépare la cicatrisation. Il ne faut donc pas (forcément) l'empêcher."
Naturellement, les personnes qui consultent pour une tendinopathie chronique cherchent à être soulagées. Longtemps, on a préconisé les infiltrations de corticoïdes. Ce n'est plus le cas. "Certes, les dérivés cortisonnés apportent un soulagement, mais ils fragilisent les fibres de collagène et réduisent encore le métabolisme des ténocytes. Ils sont donc à proscrire, surtout en cas de tendon fissuré ou porteur (tendon calcanéen ou patellaire, par exemple) car il y a alors un vrai risque de rupture."
Incontournable kinésithérapie
Le traitement d'une tendinopathie passe par la rééducation mécanique. Les séances de kinésithérapie doivent être initiées dès que possible car c'est cela qui guide le potentiel de récupération du tendon.
Il existe plusieurs protocoles pour traiter les tendinopathies:
· Le travail excentrique sous-maximal (sous le seuil de la douleur) dit "protocole de Stanish" est utilisé de longue date car la remise en charge progressive du tendon favorise la réorganisation des fibres tendineuses.
· Le protocole Heavy Slow Resistance (HSR), c'est-à-dire appliquer des charges lourdes à vitesse lente, donne des résultats équivalents, voire supérieurs au travail excentrique. Les contractions isométriques de 45 secondes sont ainsi efficaces pour diminuer la douleur.
"L'idéal est de combiner les techniques", commente le Pr Kaux. "Le massage transverse profond (MTP) ou les techniques de crochet ne sont plus recommandés, car il vaut mieux éviter d'aller triturer directement le tendon. Par contre, un traitement à ondes de choc radiales sur le tendon donne des résultats intéressants. Cela dit, la kiné ne guérit que deux tiers des tendinopathies. Ces dernières années, de nouveaux traitements prometteurs ont été développés. Les injections de plasma enrichi en plaquettes (PRP) ou en acide hyaluronique, par exemple, semblent avoir un effet positif."
Un repos relatif
Si l'activité physique à l'origine de la tendinopathie doit être diminuée, elle ne doit pas forcément être interrompue. "Certes, la durée et l'intensité de l'effort doivent être adaptées, mais le message à transmettre aux patients est le suivant: ils peuvent continuer à faire de l'exercice tant que ça ne fait pas mal, ni pendant, ni après. Le baromètre, c'est la douleur. Une gêne peut être tolérée, à condition qu'elle disparaisse. Si elle persiste ou s'accentue, il faut s'arrêter. Idem pour la reprise qui doit être graduelle et (très) progressive. De nombreux patients font l'erreur de reprendre trop tôt et/ou trop fort. Ils risquent alors une nouvelle blessure, une rechute et/ou la chronicité de la tendinopathie."
1. Le grand public parle plutôt de tendinite, mais nous évitons d'utiliser ce terme, car les tendinopathies n'ont pas toutes une composante inflammatoire.
2. La rupture du tendon patellaire et quadricipital nécessite une intervention chirurgicale. Quant aux tendons de la coiffe des rotateurs et, dans une moindre mesure, du tendon d'Achille, surtout si la rupture survient brutalement chez un sujet jeune, c'est une indication chirurgicale claire car elle induit une importante impotence fonctionnelle. Par contre, chez un sujet plus âgé, quand la rupture s'est faite de façon progressive, laissant le temps à des mécanismes compensatoires de se mettre en place, pour peu que l'impotence soit relative, on privilégie plutôt la rééducation.
3. Cette déformation du calcanéum est un conflit osseux près de la partie profonde du tendon d'Achille.
Objectifs d'apprentissage
La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec:
?? La pathogenèse de la tendinopathie.
?? Les activités sportives qui exposent à la tendinopathie.
?? L'anamnèse et l'examen clinique lors d'une suspicion de tendinopathie.
?? Le diagnostic différentiel.
?? L'usage des examens d'imagerie.
?? Le rôle des antidouleurs.
?? Le rôle de la kinésithérapie.
?? Le repos: à faire et à ne pas faire.